[TEXTE EXPOSITION] CAMILLE FISCHER – Sporophores ::: Villa Rabelais, Tours

Her nerves spread like wings

At mycelium speed

Into the atmosphere

There’s spores everywhere.

Bjork – Fossora (2022)

A pas feutrés, nous avançons dans la forêt. La marche est lente. Les corps s’imprègnent d’une légère humidité, de l’odeur de la terre, des feuilles tombées, du bois. Il nous faut être attentif.ves. La rencontre est imminente et précieuse. Un blanc nacré, une surface gluante, une peau rosée et grise, le dessin d’une ombrelle, des textures brillantes, des nervures, un chapeau gris violacé, du velours ou de la poudre. Les sporophores apparaissent d’une manière magique. Accompagnée de mycologues, Camille Fischer les observe, les touche, les renifle et les goûte. Tous les sens sont activés pour les reconnaître, les nommer, pour partager un savoir, le transmettre et tenter de l’empêcher de s’évanouir dans le temps.

Camille Fischer associe les fleurs, les feuillages, les racines ou les champignons à l’Art Nouveau (français) et au Jugendstil (allemand), un mouvement artistique qui s’est largement inspiré des formes du vivant pour les intégrer à l’architecture, aux arts décoratifs ou encore à la mode. Elle se réclame de différents héritages : de l’art baroque au surréalisme, en passant par l’onirisme ou le symbolisme. En ce sens, au sein de sa démarche artistique, elle travaille les motifs, l’ornementation, la sérialité, la finesse et la subtilité. Nourrie de ces références artistiques, elle s’immerge dans le laboratoire de spécialistes qui lui racontent les propriétés et les potentiels des champignons. Sur le terrain, dans la forêt, elle rencontre des entités sensorielles et esthétiques dont elle propose des traductions picturales. Sur les feuilles de papier, elle dessine à l’acrylique, à la gouache, à l’aquarelle, au pastel sec, à l’ombre à paupières et aux paillettes, les membres d’une communauté qui recèle plus d’un secret. Sans aucune ambition naturaliste, elle collecte des couleurs (qu’elle dit proche de l’aile irisée d’un papillon), des textures (laiteuse, boisée, diaphane), des nuances, des odeurs (elle parle d’amande, d’anis et de confiture de rhubarbe), des goûts (la terre, l’humus, entre autres) pour tenter de restituer l’insaisissable. Camille Fischer explique en effet que les champignons doivent être observés dans leur habitat. Une fois coupés, du fait de leur grande fragilité, ils se délitent rapidement. L’éphémérité de leurs existence la fascine. Avec sa palette de couleurs crépusculaires, l’artiste manifeste les corps visibles d’une communauté infinie qui se déploient autant sur et sous terre. Plongée dans une rêverie mycélienne, Camille Fischer est à la recherche du merveilleux argenté, d’une interaction mystérieuse entre les pores et les spores, d’une atmosphère délicate en finitude, une inquiétude pourtant nourrie d’onirisme et d’euphorie. Par là, elle représente une beauté évanescente, si vulnérable qu’elle semble constamment nous échapper. Elle parvient aussi à nous transmettre quelque chose de l’ordre d’une ancestralité cosmique, une part invisible inhérente au vivant, qui structure le grand tout qu’elle ne cesse de tâter, d’humer, d’écouter et de déguster.

Artiste associée à l’unité de recherche BBV en 2023-2024
Faculté de Pharmacie Philippe-Maupas.

Le champignon tient une place particulière dans l’imaginaire collectif. Si son portrait-robot ressemble souvent à un cèpe ou une amanite tue-mouche, il ne laisse personne insensible.

Accueillie en résidence au sein de l’unité de recherche Biomolécules et Biotechnologies Végétales (BBV), Faculté de Pharmacie Philippe-Maupas en 2023-2024, la plasticienne Camille Fischer a mené un travail de recherche et de création pour insuffler un élan de modernité à la mycologie officinale, une discipline historique. Ancrée dans une pratique pluridisciplinaire (dessins, collages, textiles, performances, installations…), Camille Fischer crée des systèmes poétiques où tous les éléments entrent en résonance dans une atmosphère sensible. Son installation au sein de la Villa Rabelais, composée d’œuvres originales réalisées pendant cette résidence, en est le reflet.

Une exposition à découvrir jusqu’au 4 novembre à la Villa Rabelais.
Remerciements

Le service culturel de l’université de Tours remercie Denys Brand, Doyen de la faculté de pharmacie Phillipe Maupas, Nathalie Nathalie Guivarc’h, Directrice du l’UR BBV ainsi que les deux chercheurs associés à la résidence sans qui rien n’aurait été possible : Arnaud Lanoue et Caroline Birer-Williams.
Le service culturel remercie Daniel Bourry pour son accompagnement si précieux et l’équipe de la Villa Rabelais pour son accueil gourmand.
Avec le soutien de la DRAC Centre-Val de Loire


Plus d’informations /

Villa Rabelais ::: https://villa-rabelais.fr/fr/actualites-agenda/exposition-de-l-artiste-camille-fischer

Camille Fischer ::: https://www.maiamuller.com/camille-fischer/oeuvres/

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