Les sculptures de Julie Maquet reposent sur la rencontre et l’observation d’un objet préexistant. Des objets utiles présents autant dans l’espace domestique que dans différents milieux professionnels. Nous retrouvons ainsi des œuvres réalisées à partir de clous rouillés, de caissettes à pâtisserie, de capsules de vin, d’élastiques en caoutchouc, de pinces à linge en bois, de pneus de vélo ou encore de paquets de cigarettes. Toujours fabriqués de manière massive et sérielle, ils renvoient à une forme standardisée et une fonction précise. L’artiste décide alors de confronter ces objets dont l’obsolescence est programmée à leur dimension sérielle en explorant l’accumulation, l’association, l’étirement. Elle rassemble des objets identiques pour créer une nouvelle entité. Chaque objet donne lieu à un geste et/ou une technique : coller, clouer, chauffer, coudre, nouer, enrouler, plier. L’accumulation, la répétition et la mise en espace de l’œuvre engendrent une transformation. La fonction est évacuée au profit de problématiques telles que la standardisation, la récupération, la reconversion, la mémoire, le corps et l’espace.
Les objets normés, souvent invisibles, jetables, imperceptibles dans nos quotidiens, voire indésirables, prennent corps. L’artiste, par une pratique d’ordre artisanale, les amène à devenir toute autre chose. Assemblés, hybridés, ils participent à l’élaboration de formes organiques, animales ou végétales. Les ficelles agricoles en polypropylène bleu et rouge sont fondues au décapeur thermique. Le matériau mou devient dur comme une roche piquante et rugueuse. Julie Maquet dispose plusieurs blocs colorés les uns sur et près des autres pour former un paysage corallien. Il en est de même lorsqu’elle réalise l’installation Mue (2018) à partir d’éponges en acier. Ces dernières sont dépliées et suspendues dans l’espace. Elles rappellent un groupe de méduses, des éléments vestimentaires ou encore un dégagement de fumée. Les capsules de vin pliées disposées au sol (Cadavre – 2015) oscillent entre un tas de feuilles mortes ou bien un nid s’insectes morts. Les œuvres sont potentiellement croissantes et mouvantes. Un déplacement est opéré entre une production industrielle et le simulacre d’un paysage. L’artificiel se frotte au naturel. Tout comme la nature, la production industrielle a horreur du vide. Les sculptures et installations déploient un dialogue complexe entre les antagonismes : art-artisanat, artificiel-naturel, éphémère-pérenne, fragile-solide, vivant-immobile. L’artiste travaille alors l’évocation de corps et de paysages vivants. L’usage d’objets et de matériaux trouvés, abandonnés, récupérés, participe d’une reconstitution, d’une réincarnation de corps à la fois étranges, poétiques, physiques et sensibles.
Les œuvres instaurent un rapport puissant au corps, tant dans leur réalisation que dans leur appréhension. De par leurs dimensions souvent importantes, Julie Maquet impose aux œuvres une présence physique. Nous sommes ainsi confrontés à des corps inertes qui agissent comme des écrans à travers lesquels nous pouvons projeter nos imaginaires, personnels et/ou collectifs. En effet, les objets assemblés nous sont pour la plupart familiers. Ils activent une mémoire sensible et corporelle. Le choix même des objets repose sur un lien spécifique avec l’expérience de l’artiste. Inscrits dans son histoire, ils dissimulent une sensation, un souvenir. Alors, par le déplacement de ces objets normés et calibrés, Julie Maquet en révèle le pouvoir métaphorique, poétique et politique. Les œuvres, véritables vanités du monde actuel comportent une dimension écologique qui ne peut nous échapper. Imaginons des paysages futuristes, déshumanisés, où régneront les ruines organiques de nos déchets et de nos surproductions. Les objets et les matériaux sont extraits d’une masse excessive à laquelle nous ne prêtons pas ou plus attention. Il s’agit alors pour l’artiste de transformer une infime partie de l’excès pour la rendre visible et lui attribuer de nouvelles symboliques et de nouveaux récits.
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JULIE MAQUET ///
IL Y AVAIT DES PLANTES, DES OISEAUX, DES ROCHERS ET DES CHOSES…
exposition clôturant la résidence à Shakers de l’artiste Julie Maquet.
VERNISSAGE LE VENDREDI 12 OCTOBRE À 18 H 30 À L’ORANGERIE DU CHÂTEAU DE LE LOUVIÈRE – 03100 MONTLUÇON
Exposition visible du 13 octobre au 04 novembre 2018 du mercredi au dimanche de 14h à 18h30.
++ JULIE MAQUET