
VANESSA GANDAR [Forest Fire – 2017 / Linear Lines – 2018]
Le déplacement et la rencontre guident la recherche au très long cours de Vanessa Gandar. L’artiste a grandi à Metz, y a fait des études à l’école des Beaux-arts et, après divers séjours, a choisi d’y revenir pour y vivre et travailler. Alors qu’elle étudie l’art et qu’elle se cherche en tant qu’artiste, la nécessité du voyage se fait urgente. Vanessa Gandar désire aller à la rencontre d’autres cultures, d’autres territoires, d’autres réalités. Elle commence à se déplacer et à prendre quelques photographies à la fin de sa formation. Elle vit deux ans à Berlin et part en Islande, plusieurs fois, en Nouvelle Zélande, en Australie et au Canada. L’artiste ne fait pas que passer. Elle s’engage physiquement dans la rencontre de différentes manières : de longues randonnées, des missions bénévoles pour aider à la préservation et/ou de réhabilitation de milieux fragiles, ou encore pour soigner des animaux. La marche lui permet d’éprouver le territoire dans une forme de lenteur que l’artiste affectionne particulièrement. De se confronter aussi à des échelles inhabituelles : les montagnes, les lacs, les volcans, l’océan, les forêts, la glace, la neige. Elle a choisi la pratique de la photographie pour sa dimension autonome et solitaire. Ses déplacements sont documentés, à la manière d’un carnet de bord : quelques images, des récoltes de pierres, des dessins et un travail d’écriture. Alors les images font partie d’un panorama qui raconte ses expériences, ses rencontres et les manières dont elle a été imprégnée par le territoire.
Vanessa Gandar prend la route dans son van et prend les sentiers à pied pour capter des moments singuliers. Elle est à la recherche d’une forme d’équilibre, d’un moment suspendu entre un état et une transformation de ce dernier. Elle travaille le plus souvent à l’argentique dans des conditions climatiques extrêmes. Ceci explique en partie la rareté de ses images. Vanessa Gandar rend compte de lumières, de signes : des traces, des lignes sur les sols, à la surface des roches, dans la glace. Fascinée par les formes, la graphie des paysages, la géologie, la cartographie (scientifique et mentale) elle est guidée par le besoin de documenter d’autres langages (plus qu’humains), d’autres temporalités pour fabriquer un espace où la narration spéculative devient possible. Au-delà de la dimension contemplative, chaque image peut être envisagée comme l’amorce d’un récit.

En 2017, Vanessa Gandar réalise une randonnée de deux mois dans les grands parcs nationaux à l’ouest du Canada. C’est aux Rocheuse qu’elle assiste au départ de l’incendie naturel de la forêt. Ces feux dits régénératifs sont causés par des épines de pins inflammables qui permettent le brûlage de la petite végétation au profit des grands arbres. L’artiste explique que les incendies (naturels, intentionnels ou accidentels) sont trop fréquents pour que la forêt puisse se régénérer. Sur place, Vanessa Gandar est happée par la montée du nuage de fumée blanche et jaunâtre. Au fil des secondes et des minutes, il s’épaissit. Le silence règne. L’artiste prend le temps d’observer sa montée et ses mutations derrière et au-dessus de la montagne. En contraste avec le ciel bleu, la fumée charnue se fait nuage ou éruption volcanique. La photographie Forest Fire témoigne d’ailleurs des différents passages de feu dans la forêt qui se grise au fil des évènements. Elle est marquée de coulées cendrées qui visibilisent la fréquence des feux. C’est aussi la trace, le graphisme, la mutation qui l’amène à réaliser la photographie intitulée Linear Lines (2019). L’œuvre s’inscrit dans une recherche, La dérive des pôles, initiée à la suite de la lecture d’un article scientifique consacrée à l’inversion future des pôles magnétiques qui mènera à la montée des eaux, à la fragilisation du bouclier terrestre, à la chute de météorite, à une multitude de cataclysmes, en somme au chaos pour la vie humaine. Toujours au Canada, près du lac Saint-Jean, l’artiste se rend à la rivière Mistassini, qui, en plein hiver, gèle complètement. Là, elle cherche les signes des champs magnétiques et des impacts de météorites. Elle se concentre sur les lignes visibles et invisibles de l’inversion des pôles. L’image montre comment l’eau de la rivière a été fouettée par des vents glaciaux, sa fixation progressive. Les ondulations, les lignes de balayage, les dessins de l’eau gelée forment des mouvements aussi visuels que sonores. Linear Lines devient ainsi la partition musicale du vivant en constante métamorphose.
Vanessa Gandar ::: https://www.vanessagandar.com/
FRAC ALSACE ::: https://frac-alsace.org/
Cocuou Julie!! C’est beau!! Merci pour la découverte!! Bises! Yas.
Yasmina Benabderrahmane Artiste photographe et vidéaste yasminabenabderrahmane.com http://www.yasminabenabderrahmane.com/ T. +33 06 16 10 56 18 ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■ Atelier 9031 28 allée des frères Voisin 75015 Paris