
Depuis l’adolescence, Prune Phi porte un intérêt important pour les sciences et la photographie. Par la biologie, elle tente de comprendre les mécanismes de fonctionnement des êtres et des choses qui l’entourent. Après un master en arts plastiques à Toulouse, elle étudie l’image à Arles. Là, elle comprend qu’elle ne souhaite pas se contraindre à la photographie au sens le plus classique de son utilisation. Elle développe différents projets où l’image est envisagée sous différentes formes, matérialités et formats. Les questions mémorielles sont placées au cœur de sa recherche. Française d’origine vietnamienne, Prune Phi part à la recherche d’une histoire familiale dont elle ne connait pas le récit. En 2017, elle s’installe cinq mois chez des parents de son grand-père, des inconnu.es qui la considèrent comme une étrangère : une Française. Elle ne parle pas le vietnamien, mais désire en connaître plus sur son histoire, leur histoire. L’artiste explore les quartiers vietnamiens, la construction d’une communauté; ses codes, ses traditions, ses images, sa nourriture, ses croyances. Elle récolte des images extraites d’affiches, de magazines et autres documents glanés. La transmission s’opère autrement, avec une distance liés aux images récupérées. Une fois les informations digérées, elle réalise une installation (Long Distance Call) qui réunit des collages, une vidéo et d’autres éléments traitant de la fragmentation des mémoires, de la reconstitution des souvenirs. L’artiste pense d’ailleurs ses installations comme des souvenirs, qui, au fil du temps, adoptent de nouvelles formes, de nouveaux états. Les œuvres se transforment, se réduisent et s’augmentent, de la même manière que nos souvenirs peuvent s’apparenter à des fictions, des mensonges et des récits suivants.
Ses œuvres reposent aussi sur ses propres souvenirs : brûler des objets en papier avec son grand-père pour les offrir aux personnes disparues. Ielles brûlent des fac-similés de billets de banque, des objets du quotidien, pour perpétuer une tradition chinoise qui s’est déplacée dans le temps et l’espace géographique au fil des guerres. Une tradition adaptée au Vietnam, puis réadaptée aux États-Unis par la diaspora vietnamienne après la guerre. Prune Phi est étonnée de voir des personnes brûler des tablettes, des smartphones et des ordinateurs en papier. Elle s’interroge sur les modes de communication avec l’au-delà (ces objets sont-ils brûlés pour que les défunt.es puisent échanger entre elleux ? Ou bien pour créer des ponts entre le monde des vivant.es et celui des mort.es ?). Elle décide alors de créer une agence de communication avec l’au-delà (Otherworlds Communication) qui se déploie sous la forme de performances – où une opératrice enregistre des messages personnifiés qui seront transmis dans l’au-delà -, mais aussi d’une banque de données de ces messages et d’objets en papier. L’artiste fouille par là les évolutions et les perpétuelles transformations non seulement de traditions culturelles, mais aussi du concept même de l’identité et des mémoires diasporiques. L’amnésie d’une communauté traumatisée devient alors la matière de sa recherche aussi plastique que politique.







PRUNE PHI _ http://www.prunephi.com/