Les peintures à l’huile et les dessins au fusain d’Oliver Daquin nous plongent dans un univers cinématographique nourri de troubles, de mystères et de fantasmes. L’artiste peint et dessine d’après des images fixes prélevées au creux de films. Les images sont stoppées dans leurs mouvements, dans leurs histoires, privées de leurs contextes elles sont comme suspendues dans le temps. Olivier Daquin travaille par séries, un même motif est envisagé selon différents angles : une femme vue de dos, une paire d’escarpins, des mains, un visage masqué. « Le travail suggère la puissance d’une absence quasi obsessionnelle qui apparaît alors comme un leitmotiv dans l’œuvre. » S’il s’appuie sur les points de vue du réalisateur et du metteur en scène, l’artiste procède à une sélection exigeante des motifs. Hors cadre, hors scénario, l’image est dotée d’une nouvelle dimension. L’ensemble des peintures génère de nouvelles histoires et un nouveau rapport pictural. Au départ, Olivier Daquin peignait sur papier, ses gestes étaient rapides et libres. À la toile, trop meuble et trop souple, il préfère la rigidité et la présence du bois. Le médium est aussi un clin d’œil à l’histoire de la peinture européenne, une inscription dans une tradition. L’artiste engage un processus de transposition d’une image, de l’écran vers le bois ou le papier. « Elle n’est plus une lumière projetée sur un écran. » Il peint en deux étapes : à la surface du bois, il peint une première esquisse, le trait est enlevé et immédiat ; puis, il revient sur le dessin, couche par couche. Il passe ainsi d’un dessin libre à un travail de peinture plus méticuleux et plus astreignant.
À l’occasion de sa première exposition personnelle, il a fait le choix de ne pas présenter une série, mais plutôt d’opérer à une sélection d’œuvres qui reflètent la complexité et la pluralité d’un imaginaire. Le titre, If you couldn’t see me, est celui d’une chorégraphie minimaliste de Trisha Brown réalisée en collaboration avec Robert Rauschenberg. La danseuse effectue ses pas et ses mouvements dos au spectateur. Elle ne se donne pas totalement à voir, son visage et son regard sont rendus insaisissables. Une tension et une dimension mystérieuse qu’Olivier Daquin a souhaité retenir dans son travail. Le corps y apparaît fragmenté, à la limite du cadre. « Un dos, un visage abîmé, souillé, des mains ou des pieds liés, le corps ne semble jamais vouloir se révéler en entier et au contraire suggérer un lien puissant avec un autre espace, un ailleurs celui cher au cinéma : le hors-champ. » L’artiste attache une importance particulière au travail du clair-obscur, au traitement des matières, des vêtements, de la chair et de la chevelure de ses figures. Il développe alors une sensation tactile, « on pense alors que l’absence si présente n’est autre que l’impalpable érotisme, cet obscur objet du désir. » L’histoire du film lui importe peu, il ne souhaite pas d’ailleurs donner les titres, privé de ces indices, le regardeur entre dans la peinture. L’auteur et l’origine des images n’ont aucune incidence sur ses choix et sur le traitement des images. Il retient les couleurs, les motifs et les ambiances d’images fantasmagoriques, sensuelles et énigmatiques. Les peintures représentent de nouveaux espaces de projection pour le regardeur qui peut reconstituer la trame d’un scénario imaginaire.
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Exposition / Olivier Daquin – If you couldn’t see me
Du 2 mai au 20 juin 2015 – Phantom Projects Contemporary – Troyes
+ Plus d’informations / PHANTOM PROJECTS CONTEMPORARY
++ Voir / OLIVIER DAQUIN