[TEXTE EXPOSITION] Clémentine de Chabaneix – Eloge de la tendresse radicale / Galerie du passage, Paris

Clémentine de Chabaneix

Éloge de la tendresse radicale

————————————————————————————————————-

Nous ne sommes pas hors de l’univers ni dans l’univers. Nous sommes l’univers. Il est en nous et nous sommes en lui.

Séverine Kodjo-Grandvaux – Devenir vivants (2021)

Dès son enfance, Clémentine de Chabaneix est baignée dans un écosystème de femmes où l’art et l’amour du vivant lui sont transmis. Avec sa sœur jumelle, elle est élevée par une mère comédienne dotée d’un fort caractère et d’une liberté également héritée. L’artiste se souvient d’un voyage au Brésil, d’impressions puissantes d’un vivant aussi flamboyant que mystique. “J’ai des souvenirs de serpents qui mangent des cochons, de nous qui jouons dans les sables mouvants, d’une grand-mère qui me vaudou-ise sur la table de sa cuisine.”

Un héritage artistique également reçu de ses grands-parents, Claude et François Xavier Lalanne, dont l’univers à la fois sculpté et animalier, trouve de fortes résonances au sein de sa pratique. Elle se souvient des week-ends passés chez eux, réveillée par le martèlement du métal, vivant dans une grande liberté et dans l’observation constante du jardin. Elle est impressionnée par l’engagement total de ses grands-parents envers leur travail qui occupe une place centrale dans la famille. Un engagement qui la motive à son tour envers la céramique.

L’œuvre de Clémentine de Chabaneix est autant nourrie de ses souvenirs d’enfant que de ses aspirations présentes. Un personnage évolue au sein de son imaginaire : une jeune femme. Personnification de l’artiste elle-même qui existe en attention avec les plus-qu’humains : les animaux, les arbres, les fleurs, les insectes, les plantes, le vent. L’artiste développe un répertoire de formes, d’éléments et d’êtres à partir duquel elle démultiplie les situations et les possibles. Nous y retrouvons une grenouille, une flamme, un chat, des bûches de bois, un lapin, un ours, un alligator, une fleur ou encore un masque de loup. Le personnage de la jeune femme est souvent masqué de têtes animales. Son corps se métamorphose pour littéralement donner corps aux alliances interspécifiques. Ainsi, nous la rencontrons masquée d’une tête bovine, tenant sur sa main un oiseau. Ailleurs, sa chevelure devient un abri pour la grenouille, le serpent et l’abeille. “Nous, les êtres humains, sommes des créatures nées de la Terre. Nous avons évolué en compagnie des plantes, des animaux et d’une myriade d’autres êtres vivants, et, tous, nous sommes ici sur Terre chez nous d’une manière identique. Imbriqués les uns dans les autres, nous sommes des créatures fragiles, dépendantes de systèmes terrestres robustes, mais aussi en perpétuel changement.” Il s’agit alors de représenter les façons dont chacun se camoufle ou se transforme pour exister librement avec l’autre, pour prendre soin et se protéger mutuellement. Plus qu’un compagnonnage, l’artiste nous donne à voir et à ressentir un ensemble d’alliances vivant activé par l’enlacement, le silence complice, le geste tendre et parfois même la fusion. 

Les œuvres manifestent une osmose des corps où chacun dépend de l’autre, où chacun s’implique l’un envers l’autre. En ce sens, Clémentine de Chabaneix installe une écologie du désir, à savoir : “Une écologie qui peuple la scène d’êtres qui s’affectent et cherchent à être affectés les uns par les autres, une fleur qui apostrophe une abeille mâle, c’est-à-dire qui le détourne, et une abeille qui répond à l’appel de la fleur. Et ces désirs demandent qu’on active d’autres histoires ; non pas que l’on déconstruire les récits dominants, mais qu’on les détourne, comme la fleur détourne l’abeille, qu’on réponde au désir de récits par un récit de désirs, un récit où la pensée et la sensualité passent et s’affectent mutuellement.” Il nous faut prêter attention aux gestes des êtres modelés dans la terre, les manières dont ils s’étreignent avec affection, se portent pour avancer ou danser ensemble. Les œuvres traduisent cette écologie du désir et en visibilisent les vulnérabilités. Il est à noter que les hommes sont totalement absents de l’imaginaire de l’artiste. Si elle a grandi principalement avec et auprès de femmes, il n’est pas exclu de penser que cette absence choisie ouvre un questionnement quant au devenir de nos écosystèmes broyés par une pensée dominante patriarcale, extractiviste et meurtrière. Consciente de la réalité de notre monde, Clémentine de Chabaneix fabrique un espace utopique, un monde parallèle débarrassé des prédateurs. Tel un éloge de la tendresse radicale, l’artiste sculpte une société pleinement régie par l’écoute, le soin, la douceur, l’amour et l’attention envers le vivant.

ÉLOGE DE LA
TENDRESSE RADICALE

CLÉMENTINE DE CHABANEIX

EXHIBITION / from November 22, 2023 to January 27, 2024

GALERIE DU PASSAGE

20-26 Galerie Véro-Dodat, 75001 Paris

Mardi au Samedi / 10 h 30 – 18 h 30 

———————-

Galerie du Passage / https://www.galeriedupassage.com/les_artistes/clementine-de-chabaneix/

Instagram / @antoninecatzeflis

Clémentine de Chabaneix / https://clementinedechabaneix.fr/

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.