Beauté de l’espace ou otage
De l’avenir tentaculaire
Toute parole s’y confond
Avec le silence des Eaux
Edouard Glissant – Un Champ d’Iles (1952).
Que voyons-nous ? Les formes rougeâtres prêtent à de multiples interprétations, les pistes sont volontairement brouillées. Avons-nous systématiquement besoin de reconnaître l’identité de ces formes informes ? Des bulles, des corps, des cellules, des méduses, des organes. La profusion de références nous empêche trop souvent de simplement expérimenter la forme, la couleur, le vide, le mouvement, la lumière. Pour saisir la pratique de Natalie Lamotte, il nous faut nous immerger dans la forme et nous laisser guider par son flux doux et généreux. L’artiste conçoit sa peinture comme un souffle intemporel et infini qui nous invite à un lâcher prise et à véritablement entrer dans la peinture. Si l’on prend le temps de s’arrêter, de regarder et de se plonger dans son univers, les taches rouges et rosées nous saisissent, nous troublent, nous apaisent. La peinture engage ainsi des impressions, des sentiments, des souvenirs, des réminiscences. Parce que nos repères sont bouleversés, les œuvres réclament une attention particulière. Elles nous retiennent et nous encouragent à nous perdre et à retrouver une habitude aujourd’hui perdue : prendre le temps. L’artiste aspire à un moment de contemplation pure et de respiration. Dans un mouvement de lenteur et de quasi-apesanteur, les corps fluides glissent de toiles en toiles, de formats en formats. C’est d’ailleurs dans cette dynamique de fluctuation de la forme que chaque jour les toiles sont renouvelées. Des variations que nous observons également au creux des œuvres réalisées à partir de peinture photochromique : la peinture fonce ou s’éclaircie en captant l’amplitude lumineuse. L’exposition n’est jamais exactement la même, elle nous invite à revenir et à suivre du regard une inépuisable progression. Les peintures, présentées par séries, sont construites sur un équilibre alliant une répétition de la forme et une rythmique modulable. Elles traduisent une réflexion sur les substances vitales et par extension sur les fondements de nos existences. Au creux d’une mécanique des fluides à la fois poétique, méditative, spirituelle et physique, Natalie Lamotte génère un monde flottant en totale rupture avec la dynamique visuelle actuelle : brutale, agressive, jetable. Elle produit un mouvement contraire qui nous ramène vers des rapports primitifs et jouissifs à la forme et au temps.
EXPOSITION du 11 septembre au 9 novembre 2013 à la Galerie Nathalie Clouard – Rennes.
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Galerie Nathalie Clouard / http://www.galerie-nathalie-clouard.com/artiste-37-natalie-lamotte.php
Natalie Lamotte / http://www.natalie-lamotte.com/