EXPOSITION [Texte] /// Jeanne Susplugas – House to House ll /// Pioneer Works (NY)

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L’exposition de Jeanne Susplugas à Pioneer Works vient prolonger ses recherches sur le conditionnement de l’être humain, et notamment sur ses dérives psychiques, physiques et comportementales. Avec le projet House to house, elle se concentre sur la question de la maison : ce qu’elle représente, sa fonction au sens propre et émotionnel, ce qu’elle recouvre et l’impact qu’elle peut avoir sur l’individu. Dans l’imaginaire collectif, la maison est l’abri premier pour notre corps, ceux de nos proches, mais aussi de nos biens. Elle est le lieu intime par excellence, celui des trésors, des souvenirs, des secrets et des non-dits. Jeanne Susplugas examine la ligne de tension que peut générer la maison. En marchant sur le fil qui existe entre la maison-zone de protection et la maison-zone d’aliénation, l’artiste fouille les rapports souvent binaires que nous entretenons avec la notion de foyer pour mettre en lumière les espaces troubles et troublés de nos quotidiens.

     Les adages et proverbes liés à l’espace domestique ne manquent pas. Pourtant, Jeanne Susplugas bouscule les lieux communs. Dans le projet House to house il est question de mobilité, de déménagement, et par conséquent des traumatismes que le changement peut induire : la séparation, le déracinement, la nouveauté, l’adaptation. Que contiennent nos armoires, nos malles, nos valises, nos tiroirs ? Comment remplissons-nous nos maisons ? L’artiste a demandé à des gens de constituer une liste de dix objets à emporter en cas d’urgence (série de dessins, Flying house). À chacun ses objets, à chacun son histoire. Extraits de la maison, ils traduisent nos priorités, qu’elles soient d’ordre pratique, vitale, affective, mémorielle.

     Maison ou prison ? L’artiste soulève par ailleurs le caractère aliénant de la maison comme en témoigne la vidéo There’s no place like home. Sur l’écran, une femme répète inlassablement There’s no place like home… La répétition indique une volonté de se convaincre soi-même et de convaincre le public de cette (contre) vérité universelle. Être chez soi ne signifie pas automatiquement être bien en soi. La maison peut devenir un lieu d’enfermement, d’étouffement et de mal être.  En ce sens, Jeanne Susplugas mène une réflexion sur notre consommation médicamenteuse, nos addictions, nos besoins, nos traitements.

     Iatrogène (texte de Marie Darrieussecq) présente une discussion entre amis dans un café parisien. Les trois acteurs échangent sur les effets indiqués et contre-indiqués des médicaments qui se sont immiscés dans nos vies. Entre nécessité médicale et béquille pour surmonter la vie de tous les jours, l’artiste interroge nos comportements. Dans nos salles de bains, s’empilent les boîtes, les flacons et les tubes contenant la chimie qui va pallier les maladies, angoisses, ou déprimes. L’artiste choisit de vider les récipients de leurs contenus, de leurs noms pour les transformer en objets précieux, en céramique. Ils deviennent ainsi les supports d’extraits littéraires : « Après, tu rentres chez toi, tu lexomiles et ne rêves plus » (Frédéric Beigbeder). L’anxiolytique devenu familier, entre dans le langage courant, dans nos maisons, nos corps. Ce même comprimé, en verre cette fois, cassé en morceaux (Graal) et surdimensionné, apparait comme un objet sacré, lourd et fragile à la fois. Dans la vie intime comme sociale, nous avançons, chacun à sa manière, masqués (Mask), armés, démunis, forts et vulnérables. Jeanne Susplugas déplace les habitus et prélève ce qui est habituellement dissimulé entre quatre murs.

Julie Crenn est docteure en Histoire de l’Art, commissaire d’expositions et critique d’art (Artpress, Africultures, Laura etc.).

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 [English version]

Pioneer Works is pleased to present House to House II, an exhibition of work by Jeanne Susplugas that furthers and deepens the artist’s investigation into the human condition and its psychological, physical, and behavioral excesses. In House to House II, Jeanne Susplugas delves into the concept of home: its representation, its functional and emotional significance, and its impact on the individual. In the collective imagination, the house is the primary shelter for the body, its loved ones, and its possessions. The house is a home: the site of intimacy, of treasures, memories, secrets, and unspoken words. In exploring the tension between the house as a protective space and the house as an alienating space, the artist demonstrates the binary nature of our relationship with home, and uncovers the blurred and shady spaces of our daily existence.

     Adages and proverbs tied to the domestic space run rampant. But Jeanne Susplugas manages to overthrow the customary platitudes. House to House II investigates questions of mobility, relocation, and their subsequent traumas—separation, uprooting, adaptation, and novelty—in asking individuals to list the objects they would save in an emergency. What do we store in our wardrobes, our suitcases, and drawers? How do we fill a home?

And is it a house or a prison? In the video There’s No Place Like Home, Jeanne Susplugas exposes the alienating character of home. A woman incants the title’s emblematic phrase over and over in an effort to convince both herself and the public of this universal (counter-) truth. We are reminded that being home does not always mean being safe, or being well. Home can be suffocating, can be sick.

In her video Iatrogène (text by Marie Darrieussecq), Jeanne Susplugas delves into our medical consumption, our addictions, our needs, and our treatments. Iatrogène takes the form of a conversation among friends in a Parisian café. The three actors chat about the desired and undesired effects of the drugs that have infiltrated our lives: medicines that serve both as medical necessity and as psychological crutch. Our bathrooms fill up with the boxes, bottles, and syringes that hold the chemical answer to our sicknesses, anxieties, and depressions. The artist empties such containers of their functional contents and removes their names, transforming them into precious ceramic objects. Thus they become a part of our literary vocabulary as in Frédéric Beigbeder’s phrase: “So then you go home, medicate, and cease to dream.” Tranquilizers become commonplace, entering our speech, our homes, our bodies.

And so, thus invaded, we move forward through our intimate and social worlds, each to his own, masked, armed, impoverished, strong, and vulnerable. Jeanne Susplugas displaces the habitual, and pulls out that which is habitually concealed behind four walls.

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 Julie Crenn holds a PhD in Art History, she is independent curator and art critic (Artpress, Africultures, Laura etc.).

 Translated from French by Hannah Garner

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Jeanne Susplugas – House to House II

Pioneer Works, New York

Curated by Guy Reziciner/Fragmental Museum & Pioneer Works

Opening reception: Friday, February 28, 6-9 PM

February 29-March 9, 2014

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PIONEER WORKS / http://pioneerworks.org/

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