
Bois, charnières. Dimensions variables
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JEROME GRIVEL
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Jérôme Grivel (né en 1985, vit et travaille entre Montreuil et Nice) place son corps et les nôtres au cœur d’une réflexion à la fois sensorielle, physique et critique. L’artiste s’appuie sur les théories sociopolitiques et son expérience personnelle pour formuler un constat : nos corps sont régis et contraints par un système hétéropatriarcal, capitaliste, occidental et raciste. Ce constat n’est pas nouveau puisqu’il trouve une résonnance transhistorique. Les rouages acerbes de ce système autoritaire contraignent les corps : physiquement, psychologiquement et économiquement. Jérôme Grivel propose des tactiques pour s’émanciper individuellement et collectivement de ce système d’oppression et d’exclusion des corps qui refusent de se soumettre à ses diktats.
Les œuvres peuvent alors prendre différentes formes et techniques (vidéo, performance, sculptures, projets architecturaux). Par elles, nous faisons l’expérience extrême des relations de pouvoir entre les corps dominés et les corps dominants. Extrême, parce que l’artiste n’hésite pas à s’emparer de la violence et de l’absurdité de son objet d’analyse. Par elles, Jérôme Grivel fabrique des situations inconfortables et déstabilisantes qui génèrent une alternative à la soumission, la possibilité d’un affranchissement. Par le mouvement et la prise de décision, il propose de retourner une situation qui semble empêchée. L’esthétique froide et minimale des œuvres est inhérente au système mis en critique par l’artiste. C’est l’introduction des corps, le sien comme les nôtres, qui va innerver l’œuvre d’émotions et d’états nouveaux : l’empathie, le choix, la tendresse, l’humour, le mouvement. Les œuvres manifestent un refus pluriel, celui de la contrainte, de l’invisibilisation, de la fixité, du renoncement et de l’indifférence.
Modèle à conversation : Camille (2019) est un objet sculpture issu d’une série d’œuvres restituant les liens qui ont existé entre une personne et une sculpture. Les lignes droites, les angles et les formes géométriques mouvantes sont les fruits d’une manipulation individuelle. Installé dans l’espace d’exposition, le dispositif est remis entre les mains des visiteur.teuses qui sont à leur tour invité.es à le transformer. Il s’agit alors d’une sculpture manipulable formée de barres de bois verni reliées entre elles par des charnières et des écrous papillon. Le système d’attache – donc de flexibilité de la forme – est ostensiblement visible. Les éléments en métal nous indiquent la possibilité du mouvement de la forme. Ils nous autorisent à toucher l’œuvre, à la manipuler pour lui donner une nouvelle configuration. Ils nous invitent à faire des choix : conserver et contempler la forme déterminée par l’artiste, ou bien contester cette forme et décider de déployer l’œuvre selon d’autres formes, d’autres modalités d’existence dans l’espace. Jérôme Grivel nous appelle à oser, à improviser, à tenter et à réinventer ce qui nous semble immuable. Il s’agit ainsi d’une sculpture performative qui vient mettre en doute la notion d’auteur : qui choisit la forme, l’état, la présence de l’œuvre ? Modèle à conversation : Camille nous provoque dans nos habitudes de regardeur.ses. Elle déstabilise notre rôle passif. Elle nous réclame en tant qu’acteur.trices de sa forme.
Julie Crenn
Texte commandé par le Centre d’art Madeleine-Lambert, Vénissieux, 2021
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+ EAP Vénissieux / https://www.ville-venissieux.fr/arts_plastiques/Centre-d-art-expositions/Collection-fonds-municipal-d-art-moderne-et-contemporain
+ JEROME GRIVEL / http://www.documentsdartistes.org/artistes/grivel/repro.html
Ho ho ! So Lygia Clark bicho !…