CELESTE BOURSIER-MOUGENOT /// Translations Urbaines

Dans la continuité d’une programmation basée sur la volonté de présenter au public différentes facettes de l’art contemporain, le Collège des Bernardins accueille actuellement Vidéodrones, une installation de Céleste Boursier-Mougenot (né en 1961, à Sète). Le programme est axé autour de la notion du vivant, une thématique large qui permet aux artistes d’englober plusieurs problématiques à travers la mise en place de projets protéiformes. C’est dans ce cadre que l’artiste-musicien a choisi d’instaurer un dispositif qui permet à l’extérieur d’entrer dans l’ancienne sacristie grâce à une captation visuelle et sonore. Ancien compositeur (de 1985 à 1994 au sein de la compagnie Side One Posthume Théâtre), il est aujourd’hui considéré comme un plasticien du son. Son travail est essentiellement motivé par une recherche sur les sons, urbains, musicaux, mécaniques, humains etc. À cela s’ajoute un processus de traduction, ou de transduction, de la lumière, des mouvements en bandes sonores vivantes, rythmées par les joies du hasard et de l’imprévisibilité.

« Le travail commence par la rumeur, l’invisible, la propagation, l’altération, la contagion, un développement décalé au cœur des systèmes normés du réel, comme pour infiltrer la vie ».[1] Céleste Boursier-Mougenot mène des expériences sonores grâce à l’élaboration de dispositifs où micros, vidéo, objets triviaux, animaux ou encore instruments de musique, forment une base à partir de laquelle il compose des partitions chaque fois plus singulières les unes des autres. Il s’est notamment fait connaître du public avec des œuvres comme index où les données tapées par un clavier informatique donnent naissance à une composition ; scanner, où grâce à un ballon rempli d’hélium, un microphone et huit haut-parleurs, il parvient à extraire une mélodie de l’espace et de l’apesanteur ; from hear to ear, où dans une volière intérieure, des guitares électriques reliées à de puissants haut-parleurs servaient de perchoirs à une colonie de mandarins ; untitled (series 1 2 3…) présente des piscines gonflables bleues, dans lesquelles flottent et s’entrechoquent doucement des bols en porcelaine.[2] Chaque objet et éléments (vivants ou non) sont sélectionnés pour leurs intérêts sonores, acoustiques. Ils possèdent chacun une particularité que l’artiste exploite et transcende au sein d’installations surprenantes et fascinantes. Parlons enfin des Vidéodrones, où, grâce à un système audio et vidéo, l’artiste capte l’environnement extérieur du lieu d’exposition, pour le ramener à l’intérieur et le traduire de différentes manières.

Vidéodrones – Céleste Boursier-Mougenot dote un titre générique à un projet initié en 2000. Il s’agit donc d’un principe technique permettant d’écouter le son produit par une captation d’images. Un processus de traduction des images en bandes sonores vivantes. Ainsi la lumière, les mouvements et le son sont traduits de manière sonore. Le rythme des images est transformé en une ambiance sonore, un bourdonnement continu. Dans l’ancienne sacristie du Collège des Bernardins, il a installé cinq grands écrans sur les murs ouest et nord de l’espace. Sur les écrans sont diffusées les images de l’extérieur proche du lieu d’exposition : la ville, ses bruits, ses mouvements et ses lumières. L’espace intérieur est submergé par l’extérieur, les deux zones se fondent et se confondent. Entre eux, l’architecture spécifique du lieu et les corps non seulement des visiteurs, mais aussi des passants. L’immobilité du visiteur est mise en corrélation avec la mobilité des passants dans cet espace où calme, contemplation et spiritualité dominent habituellement. Les images témoignent d’une zone vivante, imprévisible, active et effervescente. À l’expérience visuelle, l’artiste propose une expérience d’écoute puisque les images se font sons. Il capte et traduit l’ambiance sonore extérieure, qu’il recompose et amplifie à l’intérieur. Sans filtre ni effet, il procède ainsi à une recomposition en direct de la réalité et plonge le visiteur dans ce que nous appellerons une réalité augmentée, puisque intérieur et extérieur sont en symbiose au sein d’un même espace.

Il s’agit pour moi de révéler des formes de musiques potentielles et non intentionnelles qui résultent de situations, d’actions et de logiques étrangères à la musique, qu’elles soient animales, machinales ou humaines. Ma démarche s’accomplit par l’élaboration de dispositifs de traduction ou d’amplification conçus pour rendre perceptible les biorythmes et les modulations de phénomènes vivants.[3]

Vidéodrones. Céleste Boursier-Mougenot. Collège des Bernardins, 2012. Photographie : F. Lanternier - Courtesy galerie Xippas.

Vidéodrone est une installation qui met en évidence le lien ininterrompu entre l’intérieur et l’extérieur, entre la ville et l’espace d’exposition, entre l’art et la vie. Grâce à un dispositif ingénieux et pointu, l’architecture, la ville et les êtres humains sont rassemblés par le son. Le flux urbain est transvasé, décrypté et recomposé à l’intérieur. Le visiteur expérimente alors deux ambiances, deux univers, au sein d’une même bande sonore, lancinante, entêtante, qui synthétise un environnement à un moment précis. Le son et l’image participent à un déplacement de notre appréhension de l’espace. Céleste Boursier-Mougenot déploie un mécanisme sensoriel et perceptuel efficace en nous plongeant dans un trouble spatial et sonore favorisant à la fois une perte partielle des repères et une augmentation de notre conscience environnementale.

Julie Crenn

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Exposition Vidéodrones – Céleste Boursier-Mougenot, du 10 février au 15 avril 2012, au Collège des Bernardins (Paris).

Plus d’informations sur l’exposition : http://www.collegedesbernardins.fr/

Plus d’informations sur l’artiste : http://xippas.com/fr/i/artiste/celeste_boursier-mougenot

Texte en collaboration avec la revue Inferno : http://ilinferno.com/2012/03/02/celeste-boursier-mougenot-translations-urbaines/.

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[1] Francois Quintin, “Introduction”, Céleste Boursier-Mougenot, Etats seconds, Edition FRAC Champagne-Ardenne, Reims. Analogues, Arles, 2008.

[2] Concernant l’œuvre from hear to ear. Voir : http://xippas.com/fr/galerie_xippas/exposition/119.

[3] Entretien avec Emilie Gouband, ARTINFO France. Prix Marcel Duchamp. Septembre 2010.

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