Martine Aballéa – Lisières ————————–> LAURA #16

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I go out walkin’ after midnight

Out in the starlight, just hoping you may be

Somewhere a-walkin’ after midnight

Searchin’ for me

Patsy Cline – Walking After Midnight (1957)

 Martine Aballéa nous plonge au cœur de mondes secrets imprégnés d’intrigues, de crimes, d’expériences troublantes, de rencontres et de rêveries. Pour cela, elle utilise différents mediums : la photographie, le livre d’artiste, l’installation, la préparation culinaire ou encore la céramique. Elle explore un ensemble illimité de matériaux et de techniques qui apportent une cohérence et une pertinence avec l’histoire qu’elle souhaite nous conter. Née en 1950 à New York, Martine Aballéa ne se prédestine pas à l’art, elle étudie la physique, la philosophie et l’histoire des sciences. Fascinée par le langage (elle jongle constamment entre le français et l’anglais), elle écrit, réalise des collages et des photographies. C’est en 1973, à Paris, avec l’aide de Nil Yalter et de Dany Bloch, qu’elle se révèle en tant qu’artiste. Très vite, elle croise les territoires : les sciences (physique et chimie), le monde végétal, la littérature et l’image nourrissent son propos. Elle crée des histoires visuellement privées de toute figure humaine, et où la nature reprend le dessus sur l’Homme. Le plus souvent nocturnes, ses paysages et ses espaces mentaux sont habités par des végétaux enchanteurs et dangereux, teintés de couleurs fluorescentes, de lumières phosphorescentes et de typographies accrocheuses. Au moyen de procédés variés Martine Aballéa ouvre des passages entre différents univers et différentes temporalités. Elle parvient ainsi à capter notre regard, à retenir notre attention pour nous saisir et nous faire glisser dans ses micro-fictions qui entremêlent enchantement et inquiétude.

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Micro-récits

 L’œuvre de Martine Aballéa repose sur l’invitation et le récit. L’objet, l’image et le texte sont mis en œuvre pour amener le regardeur dans un entre-espace qui va perturber ses repères et ses références. Dès la fin des années 1970, elle met en place des dispositifs où l’objet sériel, la narration et la photographie portent une interaction avec le public. L’objectif est de provoquer une rencontre au creux d’univers multiples combinant des éléments plausibles et des ingrédients surréalistes. Pour cela, elle utilise différents modes d’approche : le tract, la carte, l’autocollant, le livre d’artiste et la photographie. En 1977, elle réalise deux livres d’artiste, Triangle et Geographic Despair. Le premier, qui, comme son titre l’indique, prend la forme d’un triangle dont on peut plier et déplier les pages au gré de nos envies. « L’idée est de pouvoir intervertir l’ordre de lecture. »[1] Chaque page contient un mot en anglais, imprimé en majuscules de couleur mauve : ORDINARY, DRUNKEN, LUMINOUS, INTOLERABLE, DISCONTINUED. La découverte des mots au fil des pliages participe à la construction d’un poème ou d’une amorce narrative chaque fois renouvelée. Il en est de même avec le second ouvrage qui, cette fois, associe le texte à la photographie. Conçu comme un dépliant, le lecteur est invité à déplier l’ouvrage afin d’y relever des mots en italique, raffinés et pourtant mystérieux : screams, transparent, corroding, heart, vapors, influence filters. Les images en noir et blanc, témoignent de paysages domestiques, urbains et ruraux. Une dimension cinématographique est décelée puisque à partir de fragments de décors et de fragments de scenario le regardeur construit sa propre histoire. Il s’agit alors de nous laisser porter par les récits morcelés et distillés comme des indices ou des appâts. L’artiste s’est d’ailleurs rapidement intéressée aux formats et aux stratégies de communication issus du monde commercial. Elle s’en est approprié les codes et les supports afin qu’ils puissent véhiculer une histoire, une intrigue, un mystère. Dans la rue, les galeries, les centres d’art, les stations de métro ou les cabines téléphoniques, elle met en libre distribution des photocopies vantant le caractère paradisiaque des vacances en Palourde (Clam Holiday – 1975). « C’est incroyable, mais c’est vrai ! » L’annonce exalte le caractère avant-gardiste et les avantages d’effectuer un séjour de relaxation organisé dans une coquille de palourde. Muni d’un équipement d’oxygène et du nécessaire pour s’alimenter, il s’agit alors de se laisser vivre comme une palourde tout en ayant accès à un grand choix de loisirs : radio, TV, plage, golf, théâtre, piscine « et bien, bien plus ». Si l’hôtel n’existe pas, le client potentiel peut contacter l’artiste à l’adresse indiquée pour réserver ses vacances. Certains se sont pris au jeu, par naïveté, par curiosité ou par malice. L’artiste formule une œuvre basée sur l’ouverture, le possible et le passage. Clam Holiday recèle déjà les ingrédients fondateurs et moteurs de sa pratique.

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Au milieu des années 1980, Martine Aballéa souhaite réaliser des films courts basés sur ses récits énigmatiques. Le coût du projet empêche sa réalisation. Un obstacle matériel qu’elle contourne pour se concentrer uniquement sur les affiches de films hypothétiques et improbables. Elle crée alors la série Affiches pour des films qui n’existent pas encore (1985) où elle poursuit une appropriation des modes de communications efficaces et populaires. Elle agence textes et photographies de manière à duper le spectateur. Les images, retouchées au moyen de teintures colorées, semblent être extraites d’archives anciennes. Les couleurs pastel, dorées, verdâtres, mauves et grises apportent une dimension surannée aux paysages, aux bâtiments, aux machines et aux intérieurs domestiques photographiés par l’artiste. Ni dans le passé, ni dans le présent, nous sommes ainsi projetés dans un espace indéfini aux accents à la fois romantiques et dramatiques. Le texte superposé aux images pique notre curiosité. Dans un magasin, des flacons de parfum sont accidentellement renversés. Le mélange des odeurs provoque l’amnésie des clients (L’Odeur de l’Oubli – 1987). Une croisière sur un fleuve souterrain fait naître chez les passagers des instincts et comportements inattendus (Croisière Sombre – 1988). Un architecte malveillant élabore les plans de maisons-pièges (Le Méchant Architecte – 1988). Devant l’impossibilité de guérir une femme dont la température du corps affiche une constance de – 12°, un médecin s’administre la même maladie afin de pouvoir vivre avec la femme qu’il aime (Romance Glacée – 1988). Chaque micro-récit constitue la trame d’un film potentiel. Les affiches mènent à une projection mentale des décors, des personnages, des sentiments, des actions. En s’appuyant sur la conjonction des scenarii et de l’imaginaire du regardeur, Martine Aballéa ouvre des passages entre la photographie, la narration et le cinéma.

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Expériences pataphysiques

 Les micro-récits nous portent vers des univers imbriqués de possible et d’impossible. Comme le remarque avec pertinence Elisabeth Lebovici, dans l’œuvre de Martine Aballéa « le transport n’est pas toujours physique. Il peut être pataphysique. »[2] Qu’est-ce que la pataphysique ? En 1897, Alfred Jarry énonce : « Un épiphénomène est ce qui se surajoute à un phénomène. La pataphysique […] est la science de ce qui se surajoute à la métaphysique, soit en elle-même, soit hors d’elle-même, s’étendant aussi loin au-delà de celle-ci que celle-ci au-delà de la physique. […] DEFINITION : La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité. »[3] Les micro-récits génèrent un voyage mental où les solutions scientifiques et les solutions imaginaires s’entremêlent. Ainsi, l’artiste explore le potentiel des avancées technologiques (réelles ou imaginaires) afin de les intégrer au récit et de créer des environnements, des paysages, des créatures, des phénomènes ou des espaces oscillant entre malaise et bien-être. Elle pousse l’expérience pataphysique à l’extrême en créant L’Institut Liquéfiant (1994) qui propose une mutation corporelle inédite : le devenir-liquide. L’œuvre est une série de quatre tirages argentiques colorisés présentant un service proposé par un « établissement unique en son genre », « un traitement sur mesure » qui permet de passer de l’état solide à l’état liquide et inversement. Une fois les précautions nécessaires évacuées (régime, injections, équipement spécifique, rayons) pour éviter les dangereuses étapes de l’absorption, de la dissolution et de l’évaporation, le client-patient peut jouir d’une vie liquide. Une expérience que l’artiste, en qualité de cliente-patiente, raconte de manière détaillée. Elle explique alors que l’opération de transmutation s’effectue en plusieurs séances. « Chaque fois, on fond et on se sent de mieux en mieux. […] Libérés des contraintes du monde solide, les sens sont en plein éveil et le cerveau devient pure énergie. […] Les notions de plaisir de confort deviennent primordiales. […] Je percevais l’infini et je flottais à travers le temps. […] J’en tirais le sentiment d’une grande sécurité. »[4] Une expérience jouissive qui s’est accidentellement écourtée. « On m’a confondue avec une autre cliente. » Son corps fut plongé dans l’obscurité, il s’est resolidifie progressivement, mais sa main gauche est restée liquide quelque temps.  Le retour à l’état solide, qui n’était pas souhaité, fut brutal et traumatisant. Les conséquences furent multiples puisque l’artiste relate de « petites complications », de « problèmes neurologiques », de « cauchemars » et de « problèmes de réadaptation ». Comme souvent dans le travail de Martine Aballéa, tout est mis en œuvre pour accéder à un état de quiétude. Les moyens et dispositifs scientifiques, malgré leurs possibles défaillances, permettent cet accès à des espaces confortables où le corps et l’esprit atteignent un apaisement, une jouissance des sens ; un espace où l’individu finalement libre est enclin à la distraction, au bien-être et à la contemplation. Un état mis à mal par l’introduction d’éléments perturbateurs et inhabituels, les promesses sont rompues.

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Le réel mis entre parenthèses

 Si l’imaginaire est convoqué par le récit et l’image, l’artiste développe également une série d’œuvre où le corps du spectateur est mis à contribution au sein d’espaces narratifs matérialisés. Depuis la fin des années 1970, elle invite le spectateur à engager son corps dans l’œuvre en expérimentant le récit, en s’y frottant et en le prolongeant. Ainsi, elle construit de nouveaux dispositifs au sein desquels il nous faut pénétrer. Au PS1 à New York, elle est invitée à investir un grand placard. Au moyen d’une lumière bleue-verte, d’un scotch doré formant une étoile s’étirant dans l’espace et de trois amorces narratives (Vapeur de Fête NécessaireLe Baiser du Dormeur VertDélices de Départ Emeraudes), elle définit The Turquoise Zone Seduction (1978). Comme avec ses livres d’artiste où le lecteur est invité à construire son propre récit en naviguant entre les mots et les formes, le visiteur est ici invité à s’imprégner d’une ambiance troublante et séduisante. Vingt ans plus tard, Martine Aballéa investit le Parvis à Tarbes. Inspirée par l’environnement commercial du centre d’art, elle ouvre les portes de Magasin Fantôme (1998), une épicerie formée de produits intrigants. Sur les étagères étaient disposées des « produits variés » : des boites de conserves revisitées par l’artiste. Le packaging faussement vintage, comporte des noms de recettes qui, elles, semblent être extraites de contes. Le visiteur pouvait ainsi rencontrer le Potage Antique (l’étiquette présente une photographie de route menant vers un paysage montagneux surmonté d’un ciel sombre) ; le Concentré Familial ; le Confit Végétal aux nectars sauvages ; le Sirop des Marais ou le Délice des Brumes. Entre les allées du magasin fictif, les sens du visiteur sont invités à la rêverie et à la curiosité gustative. Le centre d’art est entièrement travesti, le rapport avec le visiteur est renouvelé. Ainsi, dans la continuité de sa recherche axée sur les espaces génériques de passage et de rencontre, des espaces enclins à la narration, Martine Aballéa installe le Pink Jungle Night Club (2002) dans les salles du FRAC Basse-Normandie à Caen. Une discothèque diurne plongée dans une atmosphère pop teintée de néons roses. Si le mobilier était neutre, intemporel et universel, l’ambiance sonore donnait une temporalité au décor. L’artiste avait sélectionné des morceaux diffusés dans les discothèques depuis les années 1920 jusqu’à nos jours. Elle s’en remettait au pouvoir d’évocation de la musique, aux souvenirs et à la connaissance des visiteurs. Chaque morceau provenait d’une période précise donnant ainsi un contexte, une histoire et un repère au visiteur. Une nouvelle fois, l’artiste explore les codes et les comportements d’un espace normalement dédiée la danse, au repos, la rencontre et au lâché prise. Comme le magasin et l’hôtel, la discothèque est un lieu de passage où l’on vient assouvir une envie, un désir, un besoin. Un lieu de libération du corps et de l’esprit.

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Hôtels de jour

 L’hôtel comme objet d’étude ponctue l’œuvre de Martine Aballéa. Elle photographie leurs façades (Hôtel Titanic – 1981), leurs chambres, leurs escaliers. L’hôtel est le lieu de tous les possibles. « J’adore les hôtels. C’est un lieu de totale liberté. Généralement quand on est à l’hôtel cela implique que l’on ne soit pas chez soi, on a changé de ville, de repère, on est ailleurs. On ne connaît personne. On a l’impression de pouvoir faire tout ce que l’on veut. Ce sentiment de liberté est merveilleux. »[5] En 1999, elle décide d’implanter au premier étage du Musée de la Ville de Paris Hôtel Passager, un hôtel de jour, une œuvre à vivre. Une pancarte annonçait qu’il n’était pas ouverte 24h/24 et qu’il y était impossible d’y passer la nuit. Sur les 99 chambres promises, seules cinq étaient visibles. « Aucune n’a d’eau courante. Les portes ferment, mais pas à clé. […] On ne peut pas éteindre la lumière. […] Une ambiance sonore tonique et omniprésente. » Une chambre nuptiale, plus spacieuse et plus luxueuse, pouvait accueillir les couples. « Ce que je souhaitais faire avec l’Hôtel Passager, c’était créer un ailleurs, où les références seraient indéterminées. »[6] Un service de réception était mis en place pour guider les visiteurs et leurs permettre de laisser des messages. Les visiteurs-passagers ont généré des narrations augmentées en s’appropriant les services et le confort offert par l’hôtel. Les messages ont afflué, des rendez-vous furent donnés, les rencontres se sont succédées. Dans le catalogue de l’exposition, Frank Perrin écrit : « L’hôtel n’a pas de lieu ni d’image type, il est la matrice, le cadre a priori, ou encore les conditions de possibilités d’un magma sensoriel en devenir. Et comme tel, il reste détenteur de quelque chose d’indicible, condamné à la discrétion et ouvert en même temps à tous les voyageurs. »[7] Pendant près de cinq mois, Hôtel Passager était le décor d’histoires privées, d’instants de repos, d’échanges secrets. À l’intérieur du musée, l’artiste est parvenue à faire vivre un espace à la fois mystérieux et fascinant.

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Au fil du temps, nous observons que l’artiste ne se restreint plus à des espaces génériques (hôtel, magasin, discothèque), elle s’intéresse aux rues, aux enfilades de bâtiments, à la ville. Depuis 2003, elle développe une ville conceptuelle constamment plongée dans la nuit et dont les arrêtes des édifices, le tracé des routes et des autres équipements sont dessinés par les lumières colorées de néons. Le projet s’articule aujourd’hui selon trois interventions : un dessin numérique (Bienvenue à Luminaville) et deux expositions Love in Luminaville (Galerie Art: Concept, Paris, 2003) et Luminaville-les-bains (BF 15, Lyon, 2003). Le dessin représente une carte postale de bienvenue. On y voit une longue avenue bordée de bâtiments. Le trait lumineux est schématique pour ne livrer que l’essence d’une cité fantomatique. L’effet repose d’ailleurs sur un souvenir d’enfance où l’artiste passait des heures à dessiner les arrêtes des ombres portées sur le sol et les murs. La ville est vidée de ses détails, de sa végétation, de la figure humaine. Sa silhouette est synthétisée, épurée. À la galerie Art: Concept à Paris, elle invite le regardeur à pénétrer une chambre d’hôtel issue de Luminaville. Un lit, des draps, des coussins et un peignoir sont mis à sa disposition afin qu’il puisse, s’il le souhaite, se reposer confortablement. Aux murs sont présentés d’autres dessins numériques présentant de nouvelles vues de la cité. De même, à Lyon, elle dispose dans l’espace à bacs à eau rempli. Sur l’eau se reflète la mosaïque de couleur superposée aux fenêtres donnant sur la rue. L’institut thermal de Luminaville y est sobrement restitué : eau, lumière, couleurs. Dans chacune des propositions, les couleurs fluorescentes irradient, elles dessinent l’espace (réel ou fictif), elles nous enveloppent pour nous plonger dans un univers parallèle.

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La Maison sans fin

 Au CRAC de Sète, Martine Aballéa installe La Maison sans Fin (2012). Une installation basée sur un souvenir précis. Enfant, alors qu’elle regardait la TV, elle tombe par hasard sur un programme qui parle d’une maison extraordinaire. Sans en connaître l’histoire véritable, l’image de la maison reste imprimée dans sa mémoire. Il y quelques années, elle revoit une photographie de la maison sur un blog. Elle prolonge la recherche et retrouve son souvenir. Il s’agit de la maison de Sarah Winchester (1839-1922). Epouse de William Wirt Winchester, le fils de l’inventeur de la célèbre carabine. Après son mariage, Sarah Winchester subit plusieurs épreuves traumatisantes : la mort de sa fille (1866), puis celle de son beau-père (1880) et enfin celle de son mari (1881). Une succession de disparitions qui l’entraîne vers une lourde dépression. La légende raconte qu’elle aurait consulté des mediums et voyants, l’un d’entre eux lui aurait conseillé de s’installer sur la côte ouest des Etats-Unis afin de construire une maison pour abriter les esprits de toutes les victimes de la carabine Winchester. L’héritage de la société a donc été englouti dans le chantier d’une maison gigantesquement absurde. Un chantier qui s’est étalé sur trente-huit années, 24h/24, jusqu’à la mort de Sarah Winchester en 1922. Devenue un site d’attraction touristique, la maison attire par ses bizarreries et par son caractère hanté. Son architecture et son agencement intérieur ne reposent sur aucun plan cohérent, de plus, elle comporte des éléments étranges : fenêtres et portent ouvrant sur des murs, escaliers menant au plafond. Sa construction s’articule autour d’une superstition chère à sa propriétaire, le nombre treize. Un nombre qui a guidé son esprit et son quotidien jusqu’à la fin de sa vie. Martine Aballéa a donc repris l’histoire (mêlée de légendes, de rumeurs et de mystères) d’une demeure anarchique en la transposant au CRAC de Sète. Elle s’est imprégnée du caractère labyrinthique, mystique et absurde du projet pharaonique de l’héritière américaine pour en restituer l’essence : portes condamnées, projections d’escaliers aux murs, fenêtres suspendues.

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Martine Aballéa imagine et construit des espaces mentaux et physiques dont les fondations résultent d’un savant mélange entre confort et inconfort. Derrière les apparences charmeuses, séduisantes et merveilleuses, se cachent des êtres et des situations dangereuses, troublantes, menaçantes et angoissantes. Elle s’attache à créer des situations de passages, entre deux sentiments, deux états, deux impressions. Un « entre-espace » qu’elle décrit ainsi : « C’est une zone qui m’intéresse parce qu’elle est floue, comme le possible ou l’impossible. Cela varie dans le temps. C’est une sorte de no man’s land indéfinissable. J’aime laisser les gens avec un certain doute sur ce qui est en train de se passer dans cette zone entre deux états où tout devient possible. » Immergés dans ses dispositifs, nous marchons à la lisière de territoires en frottement vers lesquels l’artiste nous pousse à nous perdre, à nous détendre et à nous engager afin que nous puissions prolonger et augmenter sa trame narrative.

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[1] Rencontre avec l’artiste, août 2013.

[2] LEBOVICI, Elisabeth. « Autels de passe ». Martine Aballéa, Roman Partiel. Paris : Semiose, 2009, p.22.

[3] JARRY, Alfred. Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien. Paris : Gallimard, 1980, p.31-32.

[4] ABALLEA, Martine ; FLEISS, Elein. « L’échappée de l’institut liquéfiant ». Martine Aballéa, Roman Partiel. Paris : Semiose, 2009, p.79-80.

[5] Rencontre avec l’artiste, août 2013.

[6] Idem.

[7] Un catalogue tout aussi mystérieux que l’exposition puisque les pages n’y sont pas découpées. Entre elles, nous apercevons des plages de couleurs pastel et des dessins de vues intérieures de l’hôtel. PERRIN, Frank. « Ambiances mutantes : le roman arborescent de Martine Aballéa ». Martine Aballéa – Hôtel Passager. Paris : Paris-Musées, 1999, n.p.

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