Matías Duville a grandi entre l’océan et la forêt. Il observe, expérimente et fantasme deux territoires invoquant aussi bien le sublime que la peur et le danger. Des sentiments non pas contradictoires, mais complémentaires qui traversent son œuvre.
Ses dessins monochromatiques, réalisés au fusain, présentent une nature tourmentée et menaçante. Les paysages ante- ou post-apocalyptiques, aux contours escarpés et improbables, présagent une brusque mutation. Ils sont marqués par des crevasses, des cratères, des gouffres, des protubérances, des traînées et des vagues dévastatrices. Entre les vides et les pleins, la lumière et l’obscurité, la présence et l’absence, le réel et la fiction, l’artiste nous plonge au cœur d’un monde énigmatique. Le nôtre ? La réponse n’est pas évidente. Le passage de l’Homme y est rare, quelques traces de la civilisation s’obstinent au creux d’un décor où la nature a repris ses droits. Une catastrophe a eu lieu, ou bien se prépare : une tornade, un tsunami, une éruption, un changement climatique brutal. Tout ce qui nous est familier est soudainement balayé par des phénomènes tentaculaires et impitoyables. Le monde que nous pensions connaître est en voie de disparition. L’inquiétante étrangeté délivrée par Freud est ici prégnante.
Les dessins, réalisés au moyen de traits vifs, abrupts et incisifs, traduisent une volonté de sculpter le paysage : creuser, sillonner et déchirer la terre, entremêler les racines, façonner des arcs, ciseler la roche, suspendre la mer, fendre le ciel. Alors, un dialogue s’établit naturellement avec son travail en volume. Une cheminée en bois calciné (Fireplace, 2011), une table figurant un paysage fait de sel, de crochets et de verre brisé (en cours de réalisation), constituent ce qu’il reste après le choc. Les éléments domestiques figurent les ruines d’une humanité qui aurait subitement pris la fuite. Le feu et l’eau ont tout emporté. Seules des traces ont résisté à un passage violent et irréversible. Grâce à ses espaces non identifiés, Matías Duville restitue les forces de la nature dans tous leurs extrêmes. Le malaise et la fascination sont conjugués. Il travaille ainsi la notion de seuils (du rêve au cauchemar) et de limites (temporelles et spatiales) en explorant un monde inhospitalier où les repères sont bouleversés. Immergés dans le chaos, nous sommes entraînés par l’imagination convulsive de l’artiste qui se fait à la fois l’auteur et le traducteur d’une nature en colère.
Matías Duville grew up between ocean and forest. He observes, carries out experiments and fantasies about two territories invoking simultaneously the sublime, fear and danger. Feelings that are not contradictory, but complimentary, and which penetrate his work.
His monochromatic charcoal drawings present a tormented and threatening nature. The ante- and post-apocalyptic landscapes surrounded by steep and improbable edges forecast a sudden mutation. They are marked by cracks, craters, abysses, extrusions, trails and devastating waves. In-between empty spaces and loaded formations, light and darkness, presence and absence, reality and fiction, the artist immerses us at the heart of an enigmatic world. Ours? The answer is not simple. Man’s footprints are rare, traces of civilisation stubbornly remain at the bottom of a décor where nature has reasserted itself. A catastrophe has taken place, or is about to: a tornado, a tsunami, an eruption, a brutal climate change. Everything that is familiar to us is suddenly swept away by sprawling and ruthless phenomena. The world we are accustomed to is on the verge of disappearing. The uncanny theorised by Freud takes on its full meaning here.
The drawings made of sharp, abrupt and incisive strokes translate a desire to sculpt the landscape: to dig, to roam and tear the earth, to intertwine roots, to shape arches, to carve rocks, to hang the sea, to split the sky. A dialogue is then established with his 3-dimensional work. A charred wooden fireplace (Fireplace, 2011), a table presenting a salt landscape, hooks and broken glass (under realisation), constitute what remains after the impact. Domestic elements represent ruins of a suddenly fleeing humanity. Fire and water have swept away everything. Only traces have resisted this violent and irreversible wave. With these unidentified spaces, Matías Duville brings back Nature’s forces in all its extremes. Unease and fascination are combined. It allows him to shape the notion of thresholds (delimiting dream from nightmare) and limits (temporal and spatial) by exploring an inhospitable world where bearings are turned upside down. Immersed in chaos, we are driven by the convulsive imagination of the artist who is both author and translator of an angry nature.
Matias Duville
life is an instant
14 mars → 26 avril 2014