You call yourself the moral majority
We call ourselves the people in the real world
Trying to rub us out, but we’re going to survive
God must be dead if you’re alive
Dead Kennedys – Moral Majority (In God We Trust Inc. – 1981)
Par l’écriture, l’objet et la symbolique, Eric Pougeau mène une réflexion sans compromis sur un ensemble de systèmes mis en place par l’Homme pour se contrôler lui-même. Au sein de nos sociétés existent des microsociétés par lesquelles nous nous devons de passer : la famille, l’école, la religion. Un passage menant à l’aliénation ou bien au dépassement. Dès l’enfance, tous les outils autoritaires sont mis en place. En ce sens, la famille constitue une première structure d’étouffement dont il nous faut nous libérer pour accéder au libre arbitre et à l’épanouissement personnel. Ces outils se transmettent d’une génération à une autre, ils sont perpétués, perfectionnés, améliorés ou aggravés selon les névroses de chacun. Ce sont justement les névroses, les secrets et les non-dits que l’artiste met en lumière avec une série de lettres mêlant provocation, cynisme et rage. Il s’agit de lettres manuscrites, courtes, de parents s’adressant à leurs enfants d’une manière cruelle et implacable : « Les enfants, nous allons vous enfermer. Vous êtes notre chair et notre sang. À plus tard. Papa et Maman. » Les mots frappent et résonnent en l’expérience de chacun. Ils véhiculent un héritage, celui du poids de la famille et de tout ce qu’elle symbolise : valeurs morales (ou moralisantes), mal-être, violences, incompréhensions, hypocrisie, mensonges, secrets et d’aliénations. Par elle, les traditions et les normes sont inculquées. « Je me sers de la famille comme moyen, comme lieu pour tenter de critiquer des systèmes qui dépassent, je crois, le cadre familial. Volonté d’autorité, de pouvoir, de manipulation, d’envahissement, de possession, de culpabilisation, d’enfermement, et autres. Les systèmes d’une certaine manière m’enragent et m’étouffent. Je pense qu’il y a dans la famille, dans la sphère de l’intime, des enjeux de pouvoir et d’intérêt que l’on peut retrouver dans la vie publique, sociale. J’imagine une pyramide d’autorité dont la famille serait la base mais qui comporterait déjà toutes les possibilités de pouvoir sur l’individu, toutes les possibilités d’écrasements physiques et psychologiques, de terrorisme et d’abandon. »
L’artiste juxtapose la famille et la religion, deux systèmes complémentaires comme en témoigne une couronne mortuaire rendant « hommage » à une « Salope », une pierre tombale sur laquelle est gravée en lettres dorées « Fils de Pute » ou encore un crucifix portant l’insulte Asshole. La famille, comme la religion, formatent les esprits, étouffent les singularités, cultivent l’anormalité, brident les corps et interdisent la critique. Par la transgression, Eric Pougeau scalpe les zones sensibles et taboues de nos existences. Au moyen de protocoles simples et efficaces, il appelle à une prise de conscience individuelle et à une libération des esprits. L’artiste s’inscrit dans l’héritage du mouvement punk qui a transmis la libre expression, la contestation, le refus, une pensée radicale inoculée dans chacune de ses œuvres.
BRANDED #6 / http://issuu.com/laurentdubarry/docs/branded__6_-_mars_mai_14/30
ERIC POUGEAU / http://www.galerieolivierrobert.com/Artistes.asp?ID=69