Adrien Vermont dessine. Muni de crayons de couleurs et de papier, il revisite l’art naturaliste. Il en bouscule les traditions, les codes, les normes d’une manière radicale. Après avoir étudié le dessin d’enfant pendant plusieurs mois, il s’est approprié leur manière d’envisager l’animal : ses formes (un cercle, un rond, des triangles, des traits), ses couleurs et surtout ses expressions. L’enfant dessine l’animal tel qu’il le perçoit, puis tel que la société le lui apprend. J’ai compris qu’un enfant ne dessine non pas ce qu’il voit, mais l’idée qu’il se fait de son sujet jusqu’à ce qu’on lui impose un mode de représentation. Adrien Vermont dessine au présent, frénétiquement, avec une énergie déroutante, télescopant dessin d’observation et de mémoire. Une approche qu’il va développer en découvrant les planches de l’ouvrage d’histoire naturelle de Conrad Gesner (Historia Animalium – 1551-1558). Les animaux représentés y sont soit normés, soit totalement inventés. De la science au fantasme, il n’y a qu’un pas. L’artiste pose alors le principe que la science est un producteur de vérités qui évoluent au fil du temps. Mais pour cela, elle a besoin de moyens adaptés: quand Gesner se lance dans son indexation des animaux, la plupart des espèces exotiques arrivent mortes ou dans un sale état. Leur représentation en est d’autant plus imaginée, fantasmée. D’autant plus que ces nouvelles espèces côtoient alors tout le bestiaire fantastique issu de l’époque médiévale. Une vérité à une époque, n’est plus la même à une autre. Il applique cette mouvance à ses dessins. S’il décide de conserver le cadre et les textes des illustrations issues de l’ouvrage de Gesner, le contenu est follement revisité. Adrien Vermont redistribue les cartes de la représentation grâce à une capacité de digression étonnante. Il déploie alors différentes séries où l’histoire naturelle est réveillée de manière compliquée, subjective, corrigée ou bipolaire. La représentation de l’animal est totalement en couleurs. Je voulais prendre à contrepied l’objectivité et la rationalité dont se pare la science. Mettre un peu le bordel dans cette tentative d’ordre, de mise au pas. Là la représentation devient source de désordre. Adrien Vermont déborde, dépasse, rature, corrige, transgresse. Il se bat contre une vision unilatérale de la représentation. Tu ne peux pas tout enfermer dans des cases. Les cases sont une base, une bonne base, mais sur laquelle on devrait pouvoir marcher car c’est une putain d’erreur totalitaire de croire qu’on peut définir les choses de manière stricte. En retenant un vocabulaire brutal, excessif et extrêmement personnel, il mène un combat, jouissif et pertinent, sur le formatage de l’imaginaire collectif.
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