Elene Usdin est d’abord artiste illustratrice, sortie de l‘école Nationale des Arts Décoratifs de Paris en 1996. Elle a travaillé pour des magazines et journaux Francais et Américains, au début des années 2000 elle s’est peu a peu tournée vers la photographie et l’autoportrait. De cette nouvelle démarche nait une réflexion sur l’espace, la représentation,le paraitre et le genre. Elle se déguise pour mieux appréhender son environnement et les codes de la représentation souvent standard et stéréotypés. Du 18 février au 27 mars 2010, elle présente a la Farmani Gallery (a Brooklyn, New York) une nouvelle série photographique et illustrée intitulée Femmes d’Intérieur.
Femmes d’Intérieur est composée de vingt images présentant les portraits de femmes appartenant a la grande Histoire Francaise et Européenne. Des portraits que l’artiste a soigneusement sélectionné dans la peinture Classique et Moderne. Nous y trouvons les femmes peintes par Balthus, Picasso, Vélasquez, Charpentier etc. Des femmes peintes par des hommes, aujourd’hui considérés comme des génies. Alors place aux femmes. Il ne s’agit nullement d’une copie simple de ces portraits, ceux-ci sont déplacés dans le temps et dans l’espace. Elene Usdin a transposé les portraits de ces femmes dans des environnements contemporains, de plus ils sont méticuleusement insérés sur un élément du mobilier de chaque composition. La majorité des portraits sont disposés dans des intérieurs, des espaces domestiques, privés. George Sand y devient une chaise, l’infante de la cour espagnole un canapé. Elene Usdin en fait des femmes-objets, des femmes d’intérieur au sens le plus littéral qui soit. L’idée de ce projet lui est venue d’une envie de peindre sur les tirages de ses photographies, elle a donc reproduit les portraits classiques sur ses clichés, elle dit : “Je fais un montage d’abord et je repeins a l’acrylique les portraits “a la maniere de” sur les tirages.” Des portraits, dont les protagonistes féminines perdent leur époque, leur statut social et leur identité en tant que femmes puisqu’elles sont devenues des etres semi mobilier. Pourtant, elles ne sont aucunement réduites a un role simplement décoratif, le message de l’artiste va plus loin et s’inscrit dans un héritage artistique féministe assumé et transcendé dans son travail.
Depuis le début de sa carriere, Elene Usdin réfléchit a la représentation des femmes dans nos médias. Elle considere les Femmes d’Intérieur comme un jeu, “un jeu de roles”, permettant au spectateur de réfléchir a son tour aux problématiques liées a l’image des femmes et a leur condition sociale. “Ne voir dans la femme qu’un objet, qu’un élément d’un intérieur, qu’une ménagere, est hors du temps, d’un autre temps.” Les compositions ont d’abord été effectuées a partir de lieux découverts ou connus de l’artiste, dans ces lieux elle a assemblé des objets, du mobilier, auxquels elle a inséré les portraits. L’objet puis la femme. Pas n’importe quelles femmes, des femmes de culture, des muses, des princesses, des reines ou des épouses. Il est étonnant d’y voir le portrait de George Sand, réalisé en 1835 par Auguste Charpentier (1813-1880), accolé a une chaise et a une tete empaillée de barracuda. Elene Usdin raconte que ce portrait est né d’une trouvaille chez la grand-mere d’un ami : la tete de barracuda. Un poisson agressif a l’image du tempérament de l’auteure du XIXeme siecle, tranchant avec le fin sourire exécuté pour la pose. “L’image de George Sand en femme barracuda, synthétise pour moi l’idée de la série : cette femme est une chaise, on peut s’asseoir sur elle, au sens figuré aussi. C’est une femme-objet dans son intérieur.” D’autres portraits sont associés a un fauteuil ou une chaise et a une paire de chaussure contemporaine. Les chaussures soulignant la féminité des femmes exposées, une féminité hors du temps et en dehors des stéréotypes habituels. Elene Usdin a réalisé un travail de transposition sophistiqué, en accord avec les problématiques féministes actuelles quant a la représentation des femmes. Le slogan Américain des années 1970 Personal is Political, transparait dans Femmes d’Intérieur, l’univers domestique auquel les femmes sont toujours plus ou moins réduites, est ici un espace non seulement de réflexion mais aussi de poésie.
photographie
art de l’incongru
et pour cela du réel?