Le corps est au centre de la réflexion de Floryan Varennes. Envisagé comme un véritable objet d’étude, l’artiste en scrute le dehors comme le dedans. En ce sens, le vêtement, ce qui cache et ce qui orne le corps, est devenu un matériau de prédilection. Il travaille la présentation du corps en société : représentation, apparence, fonction, identification, appartenance. Ainsi, il active une série de dérivations plastiques générant différentes lectures du vêtement où le corps y est montré autrement.
Les références de Floryan Varennes sont plurielles, il puise notamment au cœur des mythologies (occidentales et extra-occidentales), des légendes ou encore des contes. De là, il procède à une hybridation des récits, des symboles et des figures. L’artiste cultive un intérêt particulier pour la période médiévale : détails des vêtements d’époque, accessoires, instruments de torture, armoiries, personnages, us et coutumes, mythes. Alors, les sirènes, les chevaliers ou encore les « gentes dames » nourrissent un imaginaire débridé et atemporel. Une sirène en tissu semble plonger dans le sol (Sirène, 2014). Formée à partir des pantalons d’infirmière de sa mère, l’artiste conjugue deux dimensions : le fantastique et le réalisme. La sirène et l’infirmière ont un point commun, elles incarnent à la fois le fantasme et le trouble. La sirène, femme-poisson, peut effrayer par son caractère monstrueux ; l’infirmière, la femme au travail, est quotidiennement confrontée aux corps, vivants et morts. Floryan Varennes transforme l’idée du merveilleux en intégrant l’expérience de ses proches. À partir des chemises de son père, il donne forme à une colonne (Collets montés, 2012). Tout comme les pantalons de sa mère, les chemises ont été portées, elles sont chargées d’un vécu, d’une mémoire. La colonne, élevée couche par couche, traduit une temporalité, la stratification d’une vie. La mythologie personnelle tutoie d’autres mythologies pour donner naissance à de nouvelles figures hybrides et critiques. Propagation (2012) est une explosion de cravates. L’œuvre, volume graphique, procède à une déconstruction de l’autoritaire masculine. La cravate, accessoire masculin normé, tend ici vers l’accident, l’anormal. Une violence sourde s’installe.
Le vêtement vidé du corps en devient sa trace. L’enveloppe de tissu véhicule des rapports dichotomiques qui traversent la pratique de Floryan Varennes. Il combine la présence et l’absence, le féminin et le masculin, le merveilleux et l’effroi, le réel et le fantastique, le passé et le présent, la mémoire et l’oubli. Une manche de chemise blanche est isolée au mur (Réminiscence – 2013). En nous approchant, nous constatons qu’elle est bourrée d’aiguilles de couture. Fasciné par les techniques de tortures actives au Moyen-âge, l’artiste en retient l’essence. Les corps sont amputés, écartelés, piqués. Ils peuvent également être décapités : si la tête a disparu, le col de la chemise erre sur le sol, tandis que des réseaux de perles noires s’en échappent (Ruine Echancrée – 2013/2014). Pendus dans l’espace d’exposition, des cintres munis de longues tiges d’acier semblent flotter (7 – 2013). Figures énigmatiques, les portes-vêtements perdent leur fonction pour adopter une attitude étrange, voire dérangeante. L’absence est troublante. Le malaise se poursuit avec une œuvre comme Mandorles (2014) où les cols de vestes masculines sont présentés tels des poignards tournés vers le bas.
La symbolique des formes et les rapports établis entre les matériaux favorisent un aller-retour constant entre les genres. Du masculin vers le féminin, et inversement, le dialogue est densifié. En jonglant avec les archétypes, les dichotomies et les métaphores, Floryan Varennes établit une réflexion sur le genre, du moins la réception et la compréhension de ses habits. Ses choix matériaux, costumes d’homme (veste, chemise, cravate) ou pantalons d’infirmière, impliquent une symbolique forte quant à la complexité des rapports entre les hommes et les femmes. Plus largement, l’artiste travaille les questions d’identités : sociales, culturelles, genrées et sexuelles. Il propose une traduction de son expérience personnelle, intégrant alors l’héritage du slogan mythique personal is political.
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+ FLORYAN VARENNES / http://www.floryanvarennes.com/
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