
Richard Fauguet, Sans titre, 2011 Pâte à modeler sur toile — 40 × 30 × 4.5 cm Courtesy galerie art: concept, Paris
La Galerie art: concept accueille en ce moment la quatrième exposition monographique de Richard Fauguet, qui, grâce à une scénographie épurée, parvient une fois de plus à nous émerveiller. Comme à son habitude l’artiste mélange les genres, les mediums, les catégories et bouleverse nos conceptions formatées de l’art. Son œuvre construite par séries, se renouvelle constamment et propose toujours des associations incongrues, singulières et inattendues. Artiste protéiforme, il puise dans l’histoire de l’art en y ajoutant un zeste de bricolage (tuyauteries, adhésif), de nourriture (sucre, lasagnes, bonbons), d’amateurisme (pâte à modeler), de pratiques vernaculaires (poteries, tapisseries) ou encore de ready-made. Son œuvre fait appel à un imaginaire collectif, artistique et trivial.
L’exposition Selon Arrivage rassemble des portraits sur toiles aux murs, des sculptures anthropomorphes au sol, deux tapisseries suspendues au plafond et une étonnante installation qui se révèle être le portrait de l’artiste offert par un ami. La première partie de l’exposition est une réflexion tournée vers Pablo Picasso et le concept de génie dans l’histoire de l’art. Richard Fauguet a choisi de réinterpréter plusieurs portraits des femmes de Picasso : épouses, muses, égéries. S’il a retenu la toile et les gammes chromatiques picassiennes, il a pourtant délaissé la peinture. Au premier coup d’œil, le visiteur pense à de la peinture, pourtant, s’il observe avec attention, la texture intrigue, pâteuse, opaque, glacée. En effet, chaque portrait a été produit avec de la pâte à modeler. Malaxée, triturée, chauffée et aplatie sur la toile, la pâte à modeler confère une nouvelle perception aux portraits exagérément déformés de Picasso. Richard Fauguet précise avec humour : « Les femmes de Picasso ont fondu pour moi ». Rapidement nous entrons dans une truculente confrontation entre art et artisanat, amateurisme et génie.
Si le volume et la recherche dans l’espace sont présents dans ses portraits en pâte à modeler, ils le sont davantage avec ses sculptures anthropomorphes disposées dans les coins des deux pièces de l’exposition. Des sculptures réalisées à partir de céramiques de Vallauris (un nouveau clin d’œil à Picasso qui, à partir des années 1940 à donné une nouvelle impulsion à la céramique traditionnelle) et de matériaux de plomberie. Ici, tout est question de volume, Richard Fauguet poursuit et renouvelle la réflexion formulée par les cubistes au début du XXème siècle, qui ont donné de nouvelles perspectives non seulement à la peinture mais aussi à la sculpture. Le rapport à l’espace est fondamental, un dialogue s’installe entre les œuvres et la salle d’exposition.
Dans la deuxième salle, deux tapisseries suspendues au plafond font face au portrait de l’artiste. Sur deux skis en bois repose une tablette bleue, sur laquelle trône un petit buste de l’artiste. La peau beige et les cheveux verts, il regarde fixement le mur blanc de la galerie auquel il est raccordé par la longue chaîne d’un bouchon d’évier, lui-même collé au mur. Le portrait traduit la manière dont Richard Fauguet glisse joyeusement entre les conventions, les injonctions et les classifications. Littéralement il débouche le mur et libère la création de son carcan souvent sclérosant et réducteur. L’installation, elle-même inspirée par le travail de Richard Fauguet fait écho au reste de l’exposition. De plus, son portrait est associé aux tapisseries qui représentent pour l’une une femme lisant une lettre, le haut de sa robe est décorsetée et laisse apparaître sa poitrine, pour l’autre le célèbre tableau de Jan Vermeer, La Dentellière (vers 1669-1670). Une mise en scène de l’artiste et de son modèle où imagerie populaire érotique et représentation traditionnelle des femmes se tutoient. Quel modèle est le plus respectable ? Richard Fauguet s’inspire des deux, il métisse le populaire et l’élitisme pour déjouer les stéréotypes : tant sur le fond que sur la forme.
L’artiste évite les hiérarchies imposées par l’histoire, les institutions ou le marché, pour tendre vers une pratique libre, rafraîchissante et extrêmement originale. Grâce à d’étonnantes associations formelles, matérielles et thématiques, il parvient chaque fois à remanier son répertoire. Entre célébration, parodie et détournement d’une histoire de l’art dont il puise une partie de ses productions, Richard Fauguet ravive et chamboule les codes de la création contemporaine.
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Exposition Selon Arrivage de Richard Fauguet, à la Galerie art: concept, du 19 novembre 2011 au 7 janvier 2012.
Plus d’informations : http://www.galerieartconcept.com/
Texte pour la revue Inferno: http://ilinferno.com/2011/11/30/richard-fauguet-amplifier-lart/
Merciii pour ce bel article 😉