GIULIA ANDREANI – From Border to Border —————————–> INFERNO

Eduardo Cosimo Cammilleri (enterrement de vie de garçon), 2012

Eduardo Cosimo Cammilleri (enterrement de vie de garçon), acrylique sur toile, 200x145cm, 2012, Courtesy Galerie Bendana Pinel.

Lors de la dernière édition du Salon de Montrouge, nous avions découvert le travail de Giulia Andreani. Elle y avait exposé une série de peintures sur toile et des aquarelles sur papier représentant des hommes politiques, des anonymes, une momie. Des personnages décontextualisés, réinterprétés, hors du temps. Des figures sombres, muettes, aveugles, fantomatiques, extraites d’archives témoignant d’une histoire récente. Giulia Andreani s’intéresse en effet aux archives visuelles : cinéma européen, photographies prises entre les années 1930 et 1950, avant et après guerre. Des images qui se rapportent à une période située entre destruction et reconstruction de plusieurs sociétés qu’elle manipule et questionne. Des images allemandes, italiennes, françaises, qu’elle analyse et transpose sur la toile ou le papier au moyen d’une même couleur : le gris de Payne. Une couleur traditionnellement associée à l’aquarelle, un mélange subtil de bleu, de sienne et d’alizarine. Les couleurs chaudes et froides s’entremêlent et se confondent en une teinte dense et lumineuse.

Deguisement avec Rose

Eduardo Cosimo Cammilleri (Déguisement avec Rose), aquarelle sur Papier, 37×46, 2012, Courtesy Galerie Bendana Pinel.

L’artiste revient aujourd’hui avec un nouveau projet qu’elle présente actuellement à la Galerie Bendana Pinel. Suite à une rencontre avec la fille d’un immigré sicilien, Eduardo Cosimo Cammilleri, Giulia Andreani a souhaité revenir sur les images de sa vie en France, de l’autre côté de la frontière. Des photographies dont elle a extrait un récit où réalité et fiction dialoguent. Le titre de l’exposition fait référence au passage de la frontière et à cette phrase inscrite sur le passeport de Cammilleri : Non si passa la frontiera senza aver redatto completamente e consegnata la cedola statistica (« On ne passe pas la frontière sans avoir complètement rempli et remis le coupon statistique »). Une frontière traversée clandestinement pour fuir une Italie fascisante, pour rejoindre la France et reconstruire une nouvelle vie. L’artiste discute avec Sophie Cammillieri, elles échangent des documents : des photographies, des documents administratifs, des lettres, les archives d’une histoire familiale et par extension d’une histoire européenne. Giulia Andreani sélectionne une série de photographies figurant Eduardo dans différentes situations. Elle réalise une toile grand format (Eduardo Cosimo Cammilleri (Enterrement de vie de garçon), 2012, Acrylique sur toile, 200 x 145 cm) où le jeune homme pose avec ses amis. Déguisés, maquillés, souriants, les hommes s’amusent et ne se soucient pas de leur apparence burlesque. Une apparence à laquelle l’artiste ajoute une touche grinçante, les sourires tendant à la grimace, certaines figures ont quasiment disparu. Elles sont comme diluées sur la toile.

Edouardo Cosimo Cammilleri (Vignonet, 1941), 37x46cm, 2012

Les aquarelles représentent des scènes familiales et amicales : Eduardo en tenue militaire accompagné de femmes (il s’est engagé en Indochine dans l’armée française, signe d’une volonté d’intégration), posant en maillot de bain avec ses camarades (les poses sont viriles), déguisé en femme enceinte tandis que sa sœur porte le costume, tenant un chien à triple tête (Eduardo Cosimo Cammilleri (Cerbère), 2012). La série aborde différentes notions comme la question du genre à travers la représentation masculine où Cammilleri apparaît tantôt sous les traits d’un soldat tantôt exacerbant son statut dominant. Giulia Andreani installe cependant une ambiguïté en le présentant travesti, tenant un bouquet de fleurs, insouciant, souriant. Il est alors libéré d’une imagerie stéréotypée provenant d’une Italie machiste. Elle déjoue ainsi l’aspect documentaire et littéral du sujet, en présentant les différents aspects de la personnalité d’un homme qu’elle a appris à connaître à travers son image et le récit de sa fille.  Un homme dont la vie et l’image sont autant de terrains de réflexions : mémoire, exil, reconstruction.

 Edouardo Cosimo Cammilleri (Balade militaires), 29,1x35cm,2012

La nouvelle série de Giulia Andreani amorce une réflexion sur les phénomènes immigrations, personnels et collectifs, qui va s’étendre sur plusieurs autres séries. Un travail qui pose des questions sur l’histoire européenne, mais aussi sur son actualité et sur la propre expérience de l’artiste. « Fragmentée comme l’est la mémoire, je restitue cette vie dans un petit corpus d’œuvres où les souvenirs de vie d’Eduardo Cosimo Cammilleri constituent une allégorie de la Vie. » Si l’époque et le contexte ne sont pas les mêmes, l’histoire de Cammilleri fait écho à la sienne.

Indochine paysage, 17x24cm,2012

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Exposition [Non] si passa la frontera – Giulia Andreani, du 12 janvier au 23 février 2013, Galerie Bendana Pinel.

Site de l’artiste : http://giuliaandreani.blogspot.fr/

Bendana Pinel : http://www.bendana-pinel.com/

À voir aussi : Exposition : Giulia Andreani – Agathe Pitié, Galerie de L’Escale, Levallois, du vendredi 18 janvier au samedi 2 mars 2013.

Voir : http://www.ville-levallois.fr/giulia-andreani-agathe-pitie-nathalie-boutte/.

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Texte publié sur le site de la revue INFERNO / http://inferno-magazine.com/2013/02/15/giulia-andreani-from-border-to-border/

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