Compte rendu expo /// Jeanne Susplugas – All the World’s a Stage /// Centre d’art Le LAIT – Albi ———————> ARTPRESS.COM

Light House III, sculpture, 2013, Aluminium, LED, diamètre 190 cm, co-production Centre d’art Le LAIT / Chapelle de la Visitation Thonon les Bains, son Eddie Ladoire, vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

L’exposition de Jeanne Susplugas au centre d’art le Lait atteste d’une pratique finement construite et d’une poursuite de recherches débutées à la fin des années 1990 sur le conditionnement de l’être humain, et notamment sur ses dérives psychiques, physiques et comportementales. Au cœur des anciens moulins d’Albi, nous sommes accueillis par Light House III, un abri/cage formé de guirlandes de LED. Ronde, lumineuse, évidée, la porte est entrouverte, elle nous attire immédiatement. L’environnement sonore mêle pourtant un grondement crépitant au bruit de l’eau du Tarn qui s’écoule sous nos pieds. Un malaise s’installe. La « maison lumineuse », protectrice et inquiétante est à l’image du corps : s’il est un réceptacle à la fois puissant et vulnérable, il peut aussi être un lieu d’aliénation, de repli. Le corps est ici vidé de sa substance pour une mise en scène troublante. Les œuvres se font écho. Au fil de l’eau qui s’écoule à l’extérieur et à l’intérieur des moulins, une voix féminine répète inexorablement « there is no place like home ». Sur un écran, un visage aux traits intemporels, tourne sur lui-même et se reflète dans l’eau. La répétition de l’action et des mots signifie un besoin de s’auto-convaincre. Dans la grande salle voûtée, entre ombre et lumière, All the world’s a stage observe la cathédrale d’Albi qui trône fièrement sur l’autre rive de la rivière. L’église de bois et de carton est montée sur roulettes. Dotée d’une silhouette aux formes schématiques, elle est mobile, modulable, à l’image des constructions d’enfants. Privée d’ouverture, elle n’est en aucun cas un refuge. L’artiste crée ainsi une mise à l’écart de notre corps par rapport à celui de l’église factice. Le lieu sacré représente aussi bien un abri, un soutien, il peut aussi être le lieu de l’enfermement, de l’isolement et du conditionnement du corps et de l’esprit. Dans nos oreilles, une voix masculine lance « ton corps n’est pas un chien qu’on enferme », une tirade qui résonne fort et qui nourrit notre compréhension de la pensée de l’artiste qui pointe du doigt les prescriptions normalisantes entraînant une léthargie de l’être. En ce sens, un parallèle est établi entre la doctrine religieuse et notre consommation de médicaments. Deux moyens de contrôle et de protection qui ne sont pas sans incidence sur nos comportements. Avec attention et sans jugement de valeur, l’artiste scrute nos habitudes, nos idées préconçues, nos peurs et nos aveuglements. Sa réflexion met en lumière notre fascination pour les gélules, cachets, sachets, liquides qui soulagent et/ou annihilent nos maux. Une vidéo présente deux femmes et un homme menant une conversation absurdement technique sur les consommations, les précautions et les rejets pharmaceutiques (Iatrogène). Posés sur une longue caisse de transport, des flacons (Containers) en céramique blanche forment un paysage fantomatique. Des mots, blanc sur blanc, apparaissent : « Après, tu rentre chez toi, tu lexomiles et ne rêves plus » (Frédéric Beigbeder). L’antidépresseur devenu familier, entre dans le langage courant, dans nos maisons, nos corps. L’artiste souligne ici la banalisation de l’ingestion de produits chimiques. Non loin de là, la céramique laisse place au cristal. Un comprimé de Lexomil est reproduit de manière surdimensionnée. Cassé en trois doses, l’œuvre fait appel à notre propre expérience de la prise de médicaments. Construite sur un dialogue pertinent avec l’espace, une ponctuation de récits littéraires et une utilisation de techniques artisanales, l’exposition traite de cet engrenage qui nous pousse à une optimisation de notre endurance, de notre apparence, du bien-être (injonction permanente au « bonheur »), à une uniformisation qui n’est pas sans risques et sans conséquences durables.

Containers, céramiques, 2013, texte Frédéric Beigbeder. Résidence Artelineha, Languedoc-Roussillon, vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

Graal, sculpture, 2013, cristal, 70 cm x 25 cm x 25 cm, co-production Centre d’art le LAIT/ Centre d’art / Musée du Verre de Carmaux, réalisation Glassfabrik, vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

There’s no place like home, vidéo, 2012, actrice Manesca de Ternay, vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

All the world’s a stage, installation 2013, carton, bois, roulettes, largeur 3 m x longueur 4,8 m x hauteur 3,5 m, co-production Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques / DRAC Île de France, pièce sonore : textes de Basile Panurgias et Marie-Gabrielle Duc, vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

Le haut de mon crâne, vidéo, 2012, texte Basile Panurgias, acteur Pierre Mignard vue de l’exposition All the world’s a stage, Centre d’art Le LAIT, Albi, photo Phoebé Meyer © Jeanne Susplugas

Artpress.comhttp://www.artpress.com/article/12/06/2013/jeanne-susplugas-all-the-worlds-a-stage–centre-dart-le-lait–albi/29021

Jeanne Susplugas / http://susplugas.tumblr.com/

Centre d’Art – Le LAIT / http://www.centredartlelait.com/

 

 

 

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