[TEXTES] Irréductibles beautés ::: ORLAN & Pilar Albarracin /// Polaris – Centre d’art – Istres

Pilar ALBARRACÍN / Visceras por tanguillos / 2016. Courtesy Galerie Vallois.

Irréductibles beautés ::: ORLAN & Pilar Albarracin

Exposition du 09 mars au 30 avril 2023

Une proposition de Catherine Soria

Premier volet : du 9 mars au 30 avril
ORLAN et Pilar ALBARRACIN
Journée d’ouverture Irréductibles beautés : mercredi 8 mars à partir de 14h30 

Les femmes artistes sont en quête d’une réappropriation du corps au croisement de plusieurs esthétiques. En mixant différentes représentations et en déjouant les canons artistiques, elles relient les notions de beauté et de liberté, par une réinscription du corps au féminin dans l’art et dans la représentation du monde.
 Ces irréductibles font de la beauté une manière d’être et de penser librement la place des femmes dans notre société. Elles questionnent la hiérarchie des genres, explorent les stéréotypes en déboulonnant les diktats.
 Faisant appel à l’intime, à la métamorphose des corps autant qu’au détournement des traditions, elles réinventent, s’aventurent pour certaines, sur les territoires du sacré et du profane en réinterprétant l’éternel féminin.

Galerie Ceysson et Bénetière / Galerie Vallois


TEXTE ORLAN :::

Dès la fin des années 1960, ORLAN décide de sortir du cadre pour confronter son corps à l’espace public et en prendre pleinement la mesure. L’artiste procède à une déconstruction des territoires où les femmes sont opprimées et invisibilisées : la rue, l’Histoire, l’histoire de l’art, le musée, les monothéismes, la famille, la littérature ou encore le cinéma. La sortie du cadre – par extension des normes imposées par le système patriarcal, est une déclaration d’émancipation. A partir de ce moment, ORLAN fait de son corps le manifeste plastique et vivant des libertés individuelles et collectives. Ainsi, au fil de ses intentions politiques et artistiques, son corps est sujet aux métamorphoses, aux travestissements, aux hybridations, aux mutations chirurgicales et/ou numériques. Par là, elle revisite les archétypes assignés à une féminité essentialisée et présupposée : la religieuse lorsque l’artiste se réapproprie l’esthétique baroque, la pleureuse en fusionnant son visages avec les femmes qui pleurent peintes par Picasso, la femme objet de désir lorsqu’elle vend les fragments de son corps nus sur les marchés ou encore des baiser aux visiteurs et aux visiteuses de la FIAC en 1977. 

Avec force, humour et détermination, ORLAN se joue de la plasticité de son corps et de son apparence. Une dimension inhérente à son Manifeste de l’Art Charnel (1975) qui fait un pas de côté vis-à-vis du mouvement de l’Art Corporel (Michel Journiac, Gina Pane, Vito Acconci, etc.). ORLAN se positionne autrement et propose une redéfinition : “L’Art Charnel est un travail d’autoportrait au sens classique, mais avec des moyens technologiques qui sont ceux de son temps. Il oscille entre défiguration et refiguration. Il s’inscrit dans la chair parce que notre époque commence à en donner la possibilité. Le corps devient un ready-made modifié, car il n’est plus ce ready-made idéal qu’il suffit de signer.” Depuis la série photographique des Corps Sculpture (1964-1967) où l’artiste porte des masques japonais issus du théâtre Nô, jusqu’aux performances chirurgicales réalisées entre 1986 et 1993, les hybridations s’inscrivent dans cette démarche de déplacement de son propre corps. La question du masque s’inscrit au cœur des différentes séries. ORLAN hybride les images de son visage à d’autres visages pour fabriquer une troisième image, celle d’un corps mutant, celle d’un masque anti-normes. À travers eux, elle pose la question des diktats imposés aux femmes occidentales et porte la volonté de refuser radicalement les mécanismes d’un système qui conditionne et normalise les corps. De se désinscrire d’une “société qui nous désigne les modèles à intégrer, que ce soient ceux de l’histoire de l’art ou ceux des magazines ou de la pub, la femme qu’il faut être, l’art qu’il faut faire et ce qu’il faut penser.” ORLAN puise ses sources dans différentes cultures : Occidentales avec une appropriation des œuvres de Botticelli (1994) et de Picasso (2019-2020) ; Africaines avec l’appropriation de coiffes et de masques issus de différentes cultures (2000-2003), idem pour les références Précolombiennes (1998) et Amérindiennes (2005-2008). Le processus de mutations s’opère autant dans l’augmentation que dans la soustraction. ORLAN fait du strip-tease une pratique artistique : elle retire son corps du vêtement religieux (1974-1975), elle multiplie et superpose son crâne pour créer une colonne sculpturale ou se présente sous la forme d’un cyborg 3D incarnant La liberté en Écorchée (2013). ORLAN croise les dimensions pour nous donner à voir autant l’intérieur que l’extérieur. En mixant les références et les manières de modifier son corps, ce dernier devient un lieu de débat public où une pluralité de questions émerge : qu’est-ce que la beauté ? Qu’est-ce que la monstruosité ? Quels modèles nous sont imposés ? Peut-on se définir soi-même ? Comment déconstruire les normes et les assignations qui nous collent à la peau dès notre naissance ? Ces questions nourrissent la démarche artistique et critique d’ORLAN depuis les années 1960.

Julie Crenn

ORLAN – Courtesy Galerie Ceysson Benetière

https://www.ceyssonbenetiere.com/fr/artists/ORLAN/


TEXTE PILAR ALBARRACIN :::

Depuis le début des années 1990, Pilar Albarracín met son corps au service d’une réflexion artistique et politique visant à une déconstruction des stéréotypes inhérents aux conditions d’existence et aux modes de représentation des femmes. L’artiste espagnole développe ainsi un œuvre protéiforme (installation, vidéo, performance, photographie, dessin, broderie, etc.) au sein duquel elle ne cesse de se (re)mettre en jeu pour retourner et détourner le discours patriarcal. Un engagement qui résulte du contexte politique et de la culture populaire espagnole. L’artiste est née en 1968 à Aracena (Andalousie) alors que le régime fasciste de Franco est établi depuis 1936. Pilar Albarracín grandit au creux de lois nationalistes, autoritaires et patriarcales. Des lois, qui jusqu’en 1975, désignent les Espagnoles comme mineures : placées sous la tutelle de leurs pères, leurs frères et leurs époux. Par là, les femmes sont cantonnées à la sphère domestique, assignées à leurs rôles d’épouses, de mères, d’amantes, de sœurs, de nourrices ou encore des dévotes. L’artiste est imprégnée de ces codes et de ces stéréotypes imposés par le régime fasciste, machiste et catholique. C’est précisément tout ce contre quoi elle lutte dans son œuvre aussi tragique que comique. Dans le sillage des artistes féministes espagnoles comme Esther Ferrer, Eulàlia Grau ou Mari Chordà, elle s’attèle à démanteler chacune des facettes d’une identité et d’une culture fondées sur la violence et la morale. Une culture dans laquelle les femmes sont réduites à des fonctions domestiques et sexuelles. 

Depuis trente ans, Pilar Albarracín s’approprie les stéréotypes de la culture ibérique où l’image des femmes ou des hommes y est exacerbée : tauromachie, flamenco, décorum et rituels catholiques sont ses terrains favoris. Elle incarne volontiers le rôle de la flamenca, la danseuse fière, romanesque et torride. La robe traditionnelle de flamenco est omniprésente dans son œuvre. Elle en fait une matière à part entière pour réaliser des installations ou encore des photographies où l’artiste porte des robes flamboyantes dans toutes circonstances et situations. Gisante au sol, elle incarne La Muerte (2017), une femme morte, assassinée ? Dans la série Anatomía Flamenca (2016-2017), elle pose fièrement en réalisant des quatre pas et gestes du flamenco. Quatre mouvements, quatre robes brodées, quatre manières d’envisager son corps de l’intérieur : viscères, veines et artères, muscles et squelette. Il n’est plus question  de déshabiller les corps des femmes pour les réduire à des objets de fantasmes, mais bien de les scruter de l’intérieur.

Pilar Albarracín fait du taureau un allié de lutte. La photographie intitulée Trapio (“Piège” – 2018) la présente côte-à-côte avec l’animal. Les mains posées sur l’échine et la corne du taureau, l’artiste fusionne avec lui pour former un duo dangereux, une menace. Les femmes et les taureaux sont en effet les mêmes victimes d’une pensée patriarcale fondée sur la domination, la violence et la mort. Au sein d’un théâtre politique résolument absurde et passionné, Pilar Albarracín croise les registres pour nous amener à penser les femmes dans une pluralité infinie. Elle procède ainsi à une déconstruction du discours essentialiste et universaliste occidental qui prône un mode d’existence unique pour les femmes. La photographie intitulée En la piel del otro – Dans la peau de l’autre – témoigne d’une performance éponyme réalisée au musée Picasso à Paris en 2018. Pensée et activée à l’occasion de la commémoration du bombardement de Guernica, la performance réunit un groupe de femmes vêtues de robes de flamenco multicolores. Couchées au sol, imbriquées et serrées les unes contre les autres, elles manifestent non seulement le rôle des femmes pendant la guerre, elles fabriquent aussi une image collective et puissante des femmes assassinées quotidiennement au sein de leurs foyers partout dans le monde. La performance réunit la complète invisibilisation des femmes en temps de guerre, les féminicides et la sororité. L’ensemble de l’œuvre de Pilar Albarracín constitue un généreux manifeste anti-universaliste, témoignant de la pluralité des corps, des expériences, des histoires, des voix. Il ne s’agit donc plus de parler de “la” femme au singulier, mais bien des femmes.

Julie Crenn

Bleue – Série carne y tiempo (2018). Courtesy Galerie Vallois

https://www.galerie-vallois.com/artiste/pilar-albarracin/biographie/


IRREDUCTIBLES beautés
 du 9 mars au 14 juin

Polaris centre d’art – Istres, Forum des Carmes – Place Patricia Tranchand

Ouvert durant les expositions : du mardi au samedi de 10h à 19h le dimanche de 14h à 19h Fermé le lundi. gratuit.

04 42 55 17 10 contact-polariscentredart@ampmetropole.fr ampmetropole.fr/missions/culture-sport-nautisme-et-grands-evenements/equipement-dinteret-metropolitain-culture/art-contemporain/www.ouestprovence.fr

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